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02/01/2017

se trouvera-t-il quelqu'un

Minerva Jones

Je suis Minerva, la poétesse.
On me siffle, moquée dans les rues par les bourrins
à cause de mon corps lourd, l’œil poché, le pas chancelant
et c’est pire quand Weldy la brute m’a capturée après une traque violente.
Il m’abandonna dans la mort, qui me figeait, depuis les pieds,
comme qui pénètre toujours plus profond dans un rayon de glace.
Se trouvera-t-il quelqu’un pour aller voir les journaux,
et recueillir dans un livre les vers que j’ai écrits ? —
J’ai tant eu soif d’amour !
J’ai tant eu faim de vie !

 

(Edgar Lee Masters)

30/12/2016

"j'ai bien peur que la fin du monde soit bien triste" - tout est dit, avec allusivité et pudeur Brassens atteint le fond de la détresse

28/12/2016

mains de maman

Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi te mains que je sois sauvé

Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes main à moi

Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tresailli

Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu

Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.

27/12/2016

Sen ia ajn kareso karna homa

us vous souvenez de Marjorie boulton, la si émouvante poétesse espérantiste ?

SOLECO


Sen seksa juko homo povas sidi ;
Ni povas trolabori, aŭ bromidi.

La karno povas vivi tute sole,
Sen ajna tuŝ' tenera kaj konsola
En frosta lito sen elektra tremo,
Kaj, plie, sen amika varm’ nek manpremo,
Sen ia ajn kareso karna, homa,
Onklina kis’ formala, stacidoma,
Kaj iel, certe, kvankam altakoste,

Ni povas vivi ĉiam karnofroste.
Sed ĉiam ni sopiras al satigo
Alia, per la intelekta ligo,
Trovi, en nia fora alieco,
Ian estajon de la sama speco !
Ho sola, stela viv’, sen aliancoj,
Vivo de nigra spaco kaj distancoj !
Kial mi tiel pensas pri intimo,
Mi, sola kiel stel’ en malproksimo ?
Kuraĝajn stelojn povas mi adori…
Ĉar mi neniam aŭdis stelon plori.


(1953)

Marjorie Boulton



c'est un peu la prise de conscience de ce gouffre chez une anglaise protestante que Marjorie a si bien décrit dans l'amusant?/poignant? récit Ebrivirgeco :

16/12/2016

la vie humaine vue par Gao Xingjian

un autre extrait de son oeuvre inclassable, courte (29 pages), mais capitale, "instantanés" :

 

"......

À cet instant, le quatrième homme est arrivé, vêtu d’une veste de cuir. Sans dire un mot il s’est joint aux autres pour tirer la corde. Tous s’appliquent, impassibles. La corde se tend. Ils tirent dessus de toutes leurs forces avec persévérance, en la faisant filer entre leurs mains.

 

« Un petit chinois… », le vieux noir chante en anglais sans lui jeter un regard. La vieille Noire caresse son clavier, presque couchée sur le piano, elle balance son corps en mesure, absorbée par la musique, comme si elle était ivre ou passionnée, elle ne le regarde pas non plus. Il ne s’occupe que de boire sa bière. Sous la lumière bleue fluorescente du bar, personne ne regarde personne. L’assistance, emportée par la musique, ressemble à un groupe de marionnettes qui remuent la tête.

 

Le cheval a cabré ses pattes de devant. Des pattes couvertes de poils. « Il vagabonde dans le monde... »  le chant du vieil homme noir reprend.

 

La vieille femme noire plaque un accord, le sol résonne sous les sabots des chevaux. « Il vagabonde dans le monde…. Il vagabonde dans le monde... »

Le vieil homme noir s’accompagne à la batterie et l’assistance hoche la tête en rythme.

 

La corde file de main en main ; dessous, les pieds chaussés de cuir sont solidement ancrés sur la pelouse verte.

 

L’écume vole en l’air, les vagues frappent la digue. En bas la marée grossit, la plage a déjà complètement disparu. Le soleil est toujours aussi brillant, mais le ciel et la mer paraissent d’un bleu encore plus soutenu.

 

L’extrémité de la corde finit par apparaître. Un énorme poisson mort accroché à un hameçon rouge est tiré sur l’herbe verte. Il a la gueule grande ouverte, comme s’il respirait toujours ; en fait il est mort. Son œil tout rond n’a pas d’éclat, mais il a encore une expression de frayeur."

 

12/12/2016

Pensées de Gao Xingjian

Citations de GAO Xingjian (normalement en français il faudrait écrire son nom Gao Tching-djan; tiens ! il est né un 4 janvier !! le même jour que mon père, et à un jour de moi)


« La culture n'est pas un luxe, c'est une nécessité.  »


« Je n'écris pas pour laisser quelque chose derrière moi, mais pour soulager ma souffrance.  »

« L'écrivain est un homme ordinaire, peut- est-il seulement plus sensible.  »

« Si l'homme a besoin du langage, ce n'est pas seulement pour communiquer du sens, c'est en même temps pour écouter et reconnaître son existence.  »

« C'est la littérature qui permet à l'être humain de conserver sa conscience d'homme.  »

« La vie n'a aucun but : il suffit d'avancer. C'est tout !  »

« Ne pas avoir de but est aussi un but.  »

« Le destin se moque des hommes.  »

« Le vrai voyageur ne doit avoir aucun objectif.  »

« Le destin est tellement dur et l'homme tellement faible, que face à l'adversité, il n'est plus rien.  »

« Les prétendus besoins spirituels ne sont qu'une sorte de masturbation.  »

« La mer des souffrances est sans limites.  »

« Ce que l'on appelle ordinairement la vie, reste dans l'indicible.  »

« La famille de celui qui entre en religion est partout.  »

« Si l'on couchait par écrit, sans rien inventer, l'histoire cachée des petites gens, les romanciers en resteraient abasourdis.  »

« Il n'existe pas de plus grand bonheur que de rendre visite à l'improviste à un bon ami.
 »

bon, j'arrête de souligner les phrases qui me paraissent particulièrement pertinentes, il faudrait les souligner toutes !
elles méritent toutes de se perdre dans des heures de méditation, ou d'être encadrées pendues au mur au-dessus de son lit.

 

04/12/2016

comme dans les "Fêtes galantes" un Verlaine espérantiste

Banale nuda Faŭno ŝtonigita
Satane ridas al falanta stel’
Laŭ leĝo de jarcentoj mortigita.
Nenio daŭras ! … nek la viv’, nek bel’.

Silentas park’ . Nur sub piedo laca
Folioj flavaj flustras pri la mort’.
Nenio daŭras !… Faŭno dorme paca
Ridetas mute sen kompata vort’.


(Ludmila Jevsejeva)

03/12/2016

Un de mes poèmes en prose


Je crois que je vais commencer de mettre ici mes poèmes. Pour commencer, un poème en prose, paru en 2005 dans l'anthologie de l'association "Flammes Vives".
mais avant voici un poème de l'incomprable   Edgar Lee Masters    


Webster Ford

Rappelle-toi, Apollon de Delphes
la rivière à l’heure du crépuscule où Mickey M’Grew
hurla :" IL Y A UN FANTÔME !
et moi "L'APOLLON DE DELPHES !"

Rappelle-toi, ô mémoire de l’air,
je ne suis plus rien qu’un petit tas de poussières
ma forme physique
mais je suis l’auteur de ce livre.

Quel est le poids d’un corps / face à un livre de voix mêlées ?

Un corps ne pèse rien / face à un tel livre de voix.

Seul le fantôme écrit
TU le sais
parce qu’écrire est cela : revenir
rappeler au jour
ce qui, de la nuit, est au plus noir.

Seul le fantôme écrit
SEUL LE FANTÔME ECRIT


Images



Une vieille lessiveuse avec une chatte qui a fait ses petits dedans

Une bulle de savon

Un reflet de lune sur l’eau

Un curé qui, dans les années 70, parle encore de vie éternelle dans un sermon, pendant le carême

Une enfant qu’on envoie devant un psychiatre parce qu’elle dit qu’elle veut entrer au Carmel

 

 

18/11/2016

un très grand poète états-unien : Edgar Lee Masters

un très grand poète étatsunien : Edgar Lee Masters


parmi les poèmes qu'il a regroupé sous le titre "Spoon River Anthology" et qui sont les épitaphes imaginaires d'être humains d'une ville imaginaire, Spoon River, en voici un, qui est un vrai chef d'oeuvre de la poésie de tous les temps.



Benjamin Pantier

Ensemble dans ce trou gisent Benjamin Pantier, procureur,
et Nig, son chien, compagnon fidèle, consolation, ami.
Sur la route grise, les amis, les enfants, les hommes les femmes,
sortirent l’un après l’autre de ma vie, me laissèrent toujours seul
avec Nig comme partenaire, jusque dans le lit, jusque dans l’alcool.
Au matin de la vie, je connus les aspirations et vis la gloire.
Puis elle, qui m’a survécu, piégea mon âme
au collet, qui me saigna à mort,
au point que moi, qui avais une volonté de fer, je demeurais brisé, indifférent,
aux côté de Nig dans l’arrière salle d’un bureau minable.
Sous l’os de ma mâchoire se presse affectueusement l’os du museau de Nig
notre histoire se perd dans le silence. Tu peux bien continuer de tourner, monde débile !

08/11/2016

peut-être la meilleure définition de ce qu'est un "grand" film

Andreï Kontchalovski, cinéaste russe, vient de donner ce qui est peut-être la meilleure définition de ce qu'est un film, un "bon" film :

« Je ne voulais rien démontrer, juste fixer des visions en étant le plus libre possible. Sachant que la liberté n’est qu’un fantôme, une chimère… »

 
 
un "bon" film, comme ceux qu'on pouvait voir au studio Noroît .... Kontchalovski sûrement y aurait passé si le Noroît existait encore, son dernier film : Les nuits blanches du facteur. dont on dit que c'est "Un Tchekov post-soviétique"