14/10/2015
Ce temps est si sévère
En 1855 Théodore de Banville (un homme beaucoup plus sensible que le prétendent les manuels de littérature) semblait avoir déjà prévu quelle serait l'ambiance de notre sinistre époque !
Ce temps est si sévère
Qu’on n’ose pas
Remplir deux fois son verre
Dans un repas,
Ni céder à l’ivresse
De son désir,
Ni chanter sa maîtresse
Et le plaisir !
On croit que, pour paraître
Rempli d’orgueil,
Il est distingué d’être
Toujours en deuil !
Les topazes, la soie,
La pourpre et tout,
Ne font pas une joie
D’assez bon goût,
Et les bourgeois que flatte
Un speech verbeux,
Ont peur de l’écarlate
Comme les bœufs !
O pauvres gens sans flamme,
Qui, par devoir,
Mettent, même à leur âme,
Un habit noir !
Qu’ils ne puissent plus boire
Sans déroger,
C’est bien fait pour leur gloire !
Mais, cher Roger,
Nous de qui le cœur aime
Un doux regard,
Admirons ce carême
Comme objet d’art,
Et restons à notre aise
Dans le soleil
Qu’a fait Paul Véronèse
Aux Dieux pareil !
Sa lèvre nous embrase !
Que ces marchands
Gardent pour eux l’emphase,
Et nous les chants !
Tant que des gens moroses
Le ciel épris
Ne mettra pas aux roses
Un habit gris,
Tant qu’au dôme où scintillent
Les firmaments,
Parmi les saphirs brillent
Des diamants,
Tant qu’au bois, où m’accueille
Un vert sentier,
Naîtront le chèvrefeuille
Et l’églantier,
Tant que sous les dentelles
Daignent encor
Nous sourire les belles
Aux cheveux d’or,
Tant que le vin de France
Et les raisins
Porteront l’espérance
A nos voisins,
Gardons la jeune Grâce
Pour échanson,
Que jamais rien ne lasse
Notre chanson
Et vous que j’accompagne
Jusqu’au mourir,
Versez-nous le champagne !
Laissons courir,
Avec l’or et la lie
De sa liqueur,
L’inconstante folie
Dans notre cœur.
Buvons ce flot suave
Et sans rival,
Et nous prendrons l’air grave
Au carnaval !
(confirmation de l'évolution de notre sinistre époque : les études ont montré que les gens de nos jours rien dte 10 à 20 fois moins souvent qu'en 1930 https://sharknews.fr/2012/09/19/internet-le-refuge-du-rire/3705/
03/10/2015
Des cadavres de jours rongés par les étoiles
un vers génial de Guillaume Apollinaire :
Gonfle-toi vers la nuit Ô Mer Les yeux des squales
Jusqu'à l'aube ont guetté de loin avidement
Des cadavres de jours rongés par les étoiles
Parmi le bruit des flots et les derniers serments
"Des cadavres de jours rongés par les étoiles"
c'est tout à fait ça ! voilà ce que devient notre vie.
25/09/2015
un des plus grand poètes du XIXè siècle: Louise Ackermann
Les vents vont disperser cette noble poussière Qui fut jadis un coeur
L'amour et la mort
I
Regardez-les passer, ces couples éphémères !
Dans les bras l’un de l’autre enlacés un moment,
Tous, avant de mêler à jamais leurs poussières,
Font le même serment :
Toujours ! Un mot hardi que les cieux qui vieillissent
Avec étonnement entendent prononcer,
Et qu’osent répéter des lèvres qui pâlissent
Et qui vont se glacer.
Vous qui vivez si peu, pourquoi cette promesse
Qu’un élan d’espérance arrache à votre coeur,
Vain défi qu’au néant vous jetez, dans l’ivresse
D’un instant de bonheur ?
Amants, autour de vous une voix inflexible
Crie à tout ce qui naît : “Aime et meurs ici-bas ! ”
La mort est implacable et le ciel insensible ;
Vous n’échapperez pas.
Eh bien ! puisqu’il le faut, sans trouble et sans murmure,
Forts de ce même amour dont vous vous enivrez
Et perdus dans le sein de l’immense Nature,
Aimez donc, et mourez !
II
Non, non, tout n’est pas dit, vers la beauté fragile
Quand un charme invincible emporte le désir,
Sous le feu d’un baiser quand notre pauvre argile
A frémi de plaisir.
Notre serment sacré part d’une âme immortelle ;
C’est elle qui s’émeut quand frissonne le corps ;
Nous entendons sa voix et le bruit de son aile
Jusque dans nos transports.
Nous le répétons donc, ce mot qui fait d’envie
Pâlir au firmament les astres radieux,
Ce mot qui joint les coeurs et devient, dès la vie,
Leur lien pour les cieux.
Dans le ravissement d’une éternelle étreinte
Ils passent entraînés, ces couples amoureux,
Et ne s’arrêtent pas pour jeter avec crainte
Un regard autour d’eux.
Ils demeurent sereins quand tout s’écroule et tombe ;
Leur espoir est leur joie et leur appui divin ;
Ils ne trébuchent point lorsque contre une tombe
Leur pied heurte en chemin.
Toi-même, quand tes bois abritent leur délire,
Quand tu couvres de fleurs et d’ombre leurs sentiers,
Nature, toi leur mère, aurais-tu ce sourire
S’ils mouraient tout entiers ?
Sous le voile léger de la beauté mortelle
Trouver l’âme qu’on cherche et qui pour nous éclôt,
Le temps de l’entrevoir, de s’écrier : ” C’est Elle ! ”
Et la perdre aussitôt,
Et la perdre à jamais ! Cette seule pensée
Change en spectre à nos yeux l’image de l’amour.
Quoi ! ces voeux infinis, cette ardeur insensée
Pour un être d’un jour !
Et toi, serais-tu donc à ce point sans entrailles,
Grand Dieu qui dois d’en haut tout entendre et tout voir,
Que tant d’adieux navrants et tant de funérailles
Ne puissent t’émouvoir,
Qu’à cette tombe obscure où tu nous fais descendre
Tu dises : ” Garde-les, leurs cris sont superflus.
Amèrement en vain l’on pleure sur leur cendre ;
Tu ne les rendras plus ! ”
Mais non ! Dieu qu’on dit bon, tu permets qu’on espère ;
Unir pour séparer, ce n’est point ton dessein.
Tout ce qui s’est aimé, fût-ce un jour, sur la terre,
Va s’aimer dans ton sein.
III
Eternité de l’homme, illusion ! chimère !
Mensonge de l’amour et de l’orgueil humain !
Il n’a point eu d’hier, ce fantôme éphémère,
Il lui faut un demain !
Pour cet éclair de vie et pour cette étincelle
Qui brûle une minute en vos coeurs étonnés,
Vous oubliez soudain la fange maternelle
Et vos destins bornés.
Vous échapperiez donc, ô rêveurs téméraires
Seuls au Pouvoir fatal qui détruit en créant ?
Quittez un tel espoir ; tous les limons sont frères
En face du néant.
Vous dites à la Nuit qui passe dans ses voiles :
” J’aime, et j’espère voir expirer tes flambeaux. ”
La Nuit ne répond rien, mais demain ses étoiles
Luiront sur vos tombeaux.
Vous croyez que l’amour dont l’âpre feu vous presse
A réservé pour vous sa flamme et ses rayons ;
La fleur que vous brisez soupire avec ivresse :
“Nous aussi nous aimons !”
Heureux, vous aspirez la grande âme invisible
Qui remplit tout, les bois, les champs de ses ardeurs ;
La Nature sourit, mais elle est insensible :
Que lui font vos bonheurs ?
Elle n’a qu’un désir, la marâtre immortelle,
C’est d’enfanter toujours, sans fin, sans trêve, encor.
Mère avide, elle a pris l’éternité pour elle,
Et vous laisse la mort.
Toute sa prévoyance est pour ce qui va naître ;
Le reste est confondu dans un suprême oubli.
Vous, vous avez aimé, vous pouvez disparaître :
Son voeu s’est accompli.
Quand un souffle d’amour traverse vos poitrines,
Sur des flots de bonheur vous tenant suspendus,
Aux pieds de la Beauté lorsque des mains divines
Vous jettent éperdus ;
Quand, pressant sur ce coeur qui va bientôt s’éteindre
Un autre objet souffrant, forme vaine ici-bas,
Il vous semble, mortels, que vous allez étreindre
L’Infini dans vos bras ;
Ces délires sacrés, ces désirs sans mesure
Déchaînés dans vos flancs comme d’ardents essaims,
Ces transports, c’est déjà l’Humanité future
Qui s’agite en vos seins.
Elle se dissoudra, cette argile légère
Qu’ont émue un instant la joie et la douleur ;
Les vents vont disperser cette noble poussière
Qui fut jadis un coeur.
Mais d’autres coeurs naîtront qui renoueront la trame
De vos espoirs brisés, de vos amours éteints,
Perpétuant vos pleurs, vos rêves, votre flamme,
Dans les âges lointains.
Tous les êtres, formant une chaîne éternelle,
Se passent, en courant, le flambeau de l’amour.
Chacun rapidement prend la torche immortelle
Et la rend à son tour.
Aveuglés par l’éclat de sa lumière errante,
Vous jurez, dans la nuit où le sort vous plongea,
De la tenir toujours : à votre main mourante
Elle échappe déjà.
Du moins vous aurez vu luire un éclair sublime ;
Il aura sillonné votre vie un moment ;
En tombant vous pourrez emporter dans l’abîme
Votre éblouissement.
Et quand il régnerait au fond du ciel paisible
Un être sans pitié qui contemplât souffrir,
Si son oeil éternel considère, impassible,
Le naître et le mourir,
Sur le bord de la tombe, et sous ce regard même,
Qu’un mouvement d’amour soit encor votre adieu !
Oui, faites voir combien l’homme est grand lorsqu’il aime,
Et pardonnez à Dieu !
Louise Ackermann Poésies Philosophiques
"La Nuit ne répond rien, mais demain ses étoiles
Luiront sur vos tombeaux."
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05/09/2015
reveno
La reveno
La ŝtonoj kuŝas sur siaj lokoj
nur pli rondaj
nur pli glataj
de la multaj pluvoj
la arboj kreskas sur la samaj lokoj
eble pli grandaj
ilia ombro pli vasta
pli da birdoj en iliaj branĉoj
la domoj la homoj la bestoj
ĉio estas kiel antaŭe
La homoj kun siaj voçoj
agrable afablaj
la domo kiu iam estis hejmo
la ŝtonoj kiuj iam sukcesis
transdoni sian varmon
al la nudaj piedoj
la arboj kies branĉoj
kutimis luli min
kiam mi tion postulis de ili
ne estas kiel antaŭe
Miaj pensoj estas for de ili
mia sopiro alie
fremde rigardas ilin miaj okuloj
la piedoj ne plu nudaj
ne povas senti la varmon de la ŝtonoj
nek la ŝtonoj povas rekoni mian paŝon
Franko Luin
21/08/2015
sun' kaj luno en sama ĉielo
La Suno kaj la Luno
La Sun' sin banas
kun trankvil'
ĉe l'fora horizont'
dum la koketa Lun'
ŝminkas sin
kun arto kaj graci'.
Alvenas la vesper'
plenplena je mallum'
kaj la misteraj ombroj
ĉirkaŭas al la Lun'.
Mi miras la belecon
de tiu renkontiĝo
kaj ĝuas en silento...
Arquillos 11-1-15
11/08/2015
très très beau poème
Ultima
Il pleut. Je rêve. Et je crois voir, entre les arbres
De la place vide qui luit, Un buste en pierre et le socle de marbre. Mon frère passe et dit : C’est lui. Mon frère, vous aurez aimé les ports, les îles Surtout le ciel, surtout la mer; Moi les livres, les vers parfaits, les jours tranquilles. Et nous aurons beaucoup souffert. |
||
Emile Despax. (1881-1915), La Maison des Glycines. (1905).
|
30/06/2015
ĉio bluas
Ĉio bluas
Vidu kiel bluas la ĉielo.
Nuboj blankaj ne plu estas
kaj la reĝa suno brilas
kaj la tempesto forestas.
Vidu, kara, kiel belas
la horizonta linio
kaj la senfina mistero
de la nevidebla dio.
Vidu la boaton liliputan
alvenanta, ĝojoplena
kun ĥimeraj pasaĝeroj
sur la blua mar' serena.
Viaj okuloj bluas
kiel la bluo ĉiela
kiel ĉi blua rakonto
kaj la dio nevidebla.
Arquillos 7-1-13
25/06/2015
citations de Stig dagerman
« Où qu’on aille on porte la mort avec soi. C’est pour ça qu’on a si peur de soi-même. Mais à la fin ce sont les autres qui vous portent et il n’y a qu’à se dire tant mieux et merci. » |
« Pourquoi faut-il toujours quitter les lieux que nous aimons et pourquoi faut-il que ceux que nous aimons nous quittent et nous laissent seuls ? » |
Dagerman (Stig) |
« Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. » |
Dagerman (Stig) |
20/06/2015
Marjorie Boulton
Marjorie Boulton, qui a maintenant plus de 90 ans malheureusement, elle est née en 1924, a fait une carrière d’universitaire britannique, à Oxford, en qualité de professeur de littérature anglaise. Elle a aussi été dès 1951 une fervente et talentueuse espérantiste. C’est je pense le meilleur poète original en Espéranto. (Oui, je la préfère même à William Auld et à Kalocsay). Elle a su mettre dans ses poèmes un sens inné de l’harmonie, une authenticité et une profondeur d’émotion remarquables.
Dans ses poème elle pratique toutes sorte de style, de l’humour jusqu’à la tragédie. Elle y a aussi livré les tourments de son cœur dus à un amour impossible - un homme déjà marié, jamais elle n’a cherché à briser son ménage, à l’époque on savait respecter les êtres et les valeurs , et pourtant Dieu sait si elle souffrait – dans des poèmes parfois d’une délicate et poignante pudeur, mais aussi d’autres nés de ses rêves nocturnes sont presque pornographiques.
Aussi je commencerai par vous donner une traduction en français d'un de ses poèmes consacré "iel" (d'une certaile manière) à l'enfant qu'elle n'a jamais eu :
Traduction française du poème de Marjorie Boulton « nenaskotaj infanoj » :
Les enfants qu' on ne mettra pas au monde
Les enfants les plus immondes
Sont ceux qu'on ne mettra pas au monde -
Névrosés, fous, idiots,
Morts, dépourvus de chair, tels des pierres,
Ils tirent par la main
La femme qui est seule.
Elle sent la présence d'un enfant.
Sous une rétine féminine
Leur image
Croît comme une maladie,
Ou une paralysie.
L'enfant qui est né
N'est jamais ainsi.
L'amour doit être un acte.
Les enfants qu'on ne mettra pas au monde
Réveillent les femmes la nuit.
Ou par leurs petite mains narcotiques
Et les effluves du chloroforme
dans un abominable sommeil tout plein de rêves
Ils les enferment.
Les femmes seules sont une plaie pour le monde.
Il ne faut pas trop parler
De l'idée de femme seule;
Il ne faut pas trop consoler
Le coeur; le sein
Est vide.
Tout ce qui est gangrené
Pourrit dans l'esprit.
L'amour doit être un acte.
Les enfants qu'on ne mettra pas au monde
Sont des diablotins phosphorescents,
Jamais ils ne deviennent adolescents,
Jamais adultes.
Dans la chaleur infernale des volcans du coeur,
Ce lac de lave,
Les enfants sont sales,
Pleurent, font caca, se mettent en colère;
Et le coeur malade dégénère.
Ces enfants sont les fruits monstrueux
D'un utérus sombre,
Nés en rêve de luttes infernales,
Et pas au bout de neuf mois,
Mais plus vite que des rats,
Par des accouchements honteux,
Dans le cratère du coeur.
Et ils meurent comme des mouches.
Désir !
Déchirure !
L'amour doit être une acte.
Marjorie Boulton
le reste sera en Esperanto
Marjorie Boulton montre à quel point la poésie en Esperanto peut être musicale dans sa forme et poignant, et authentique, dans son contenu.
poemo kun rimedoj tiom simplaj akveklaraj, sed tiom plena kaj efika
La Amiko
Vi estas tiel bona !
Bona kiel freŝa pano,
Kiel la voĉ’ pardona
Bona kiel bona sano ;
Vi ĉiam helpis kaj pardonis,
Kaj mi nenion donis,
Krom miajn larmojn sur via bona mano.
kaj eble la plej bela ampoemo en la literaturo :
MIA AMPREĜO
Min amu iom, ĉar mi ne meritas,
Kaj, ĉar mi ne meritas, mi bezonas ;
Mi scias ke al vi nenion donas
Donindan mi, nenion mi oferas,
Nur amas, ardas solas kaj suferas.
Mi nur al malavaro vin invitas;
Min amu iom, ĉar mi ne meritas.
Nur iom, iomete, ian eron
Da amo, ŝparu nur ameron flavan,
Ion eksmodan, difektitan, favan,
Jes, ian elĵetaĵon, ion ruban,
Ion nebulan, fuman palan, nuban;
El via vasta vito, donu beron;
Nur iom, iomete ian eron!
Min amu iomete, malavara –
Donu parfumon nur de via rozo,
Aŭ velkitaĵon donu por almozo ;
Min amu iom, car mi ne meritas,
Kaj mian malmeriton preĝe spitas :
Min amu iom pro kompato, kara ;
Min amu iomete, malavara.
(Marjorie Boulton)
SOLECO
Sen seksa juko homo povas sidi ;
Ni povas trolabori, aŭ bromidi.
La karno povas vivi tute sole,
Sen ajna tuŝ’ tenera aŭ konsola
En frosta lito sen elektra tremo,
Kaj, plie, sen amika varm’ nek manpremo,
Sen ia ajn kareso karna, homa,
Onklina kis’ formala, stacidoma,
Kaj iel, certe, kvankam altakoste,
Ni povas vivi ciam karnofroste.
Sed ĉiam ni sopiras al satigo
Alia, per la intelekta ligo,
Trovi, en nia fora alieco,
Ian estajon de la sama speco !
Ho sola, stela viv’, sen aliancoj,
Vivo de nigra spaco kaj distancoj !
Kial mi tiel pensas pri intimo,
Mi, sola kiel stel’ en malproksimo ?
Kuraĝajn stelojn povas mi adori…
Ĉar mi neniam aŭdis stelon plori.
(1953)
Marjorie BOULTON<
Jen plej bela kaj korprema poemo kaj de eble la plej elstara kaj Esperanta poeto (mi konjektas, ke esperantistoj sufiĉe bone konas ŝin por ke - neceso kaj sufiĉo - mi ne diru "poetino"! memoru: Claude Piron pravas): Marjorie Boulton:
DOLORO
Ekflugu do, pasero,
Rekte al mia kara,
Diru, ke nun utero
Fluas per sang’ amara
Sed pli amara koro
Eksangas pro memoro.
Ekflugo do por diri
Ke bone mi komprenas
Ke devas li foriri
Kaj sola mi ne svenas ;
Ne, ne, mi nur suferas,
Kaj vivon mi toleras.
Diru, ke mi pardonas,
Kaj sentas min malinda;
Pardonon mi bezonas,
Kaj amo estas blinda,
Kaj li ne estas vulpa,
Perfida – sed senkulpa.
(Marjorierie Boulton)
1953
ALIECO
Hom' estas sola. Ĉiu; La okuloj
Dum la rigardo de du geamantoj
Flatas kaj rebriligas. La speguloj
Estas perfektaj karnaj briliantoj
Sed en la kor' malluma kaj fekunda
Restas la alieco plej profunda.
Ĉia komunikilo malsufiĉas;
Vortoj, skribaĵoj, belaj am-promesoj
La pensojn kaj la sentojn nur pastiĉas;
Ĉiam perfidas ilin eĉ karesoj;
Neniu povas fuĝi el doloro,
La alieco de la homa koro.
Senfina alieco nin malbenas;
Vortoj, kaj kisoj, estas nur simbolaj,
Kaj ni al ni por ĉiam apartenas,
En plena mondo, ĉiam estas solaj
En alieco, nia tragedio
Per kiu, ĉiu estas sola dio.
MARJORIE BOULTON
PRESKRIBO
Ĉu povas vi preskribi, ho doktoro,
Ion por mia malplenega koro ?
Certe, fraŭlino. Prenu revolveron
Plenigu per plumberoj la krateron.
Dankon, doktoro. Jes, vi havas saĝon,
Sed mia kor’ ne havas kuraĝon
Marjorie Boulton 1953
La pudeur frémissante et suggestive de Marjorie Boulton !
MANPREMO
Kaj via kara, kara mano
Premis la mian,
Panero de kares’ …
La tuta korpo kontraŭ mi
Povus fari ion alian ...
Jes.
Sed nun mi eĉ demandas, kiel infano
Ĉu pli?
Dankon, kara,
Vi scias esti malavara.
(Marjorie Boulton)
ankaŭ naturaj fenomenojn ŝi trafe priskribas, kiam ili kongruas je ŝia animo ..
Vintra suno
Plorlaca,
Sensanga,
Malsana
Mortpala,
Metala,
Kaj vana,
Blankvanga,
Tro paca,
Ŝi drivas tra la ĉielo
Sen oro, sen penetra helo.
Kaj frua stelo,
Trankvila flegistin'
En blanka vualo,
Volas rekonduki ŝin
Al kosma hospitalo.
(Marjorie Boulton)
VINTRAJ AKVOJ
Riveretoj malklaraj
Nun bruas,
Neŭroze trofruas,
Nervemulinoj grizharaj
Pro ŝaŭmo - senĉarmaj,
Malvarmaj.
(Marjorie Boulton)
Kun same da estadeca sentemeco ŝi foje traktas politikajn temojn :
POLITIKA MANIFESTO
Se nur
En ĉiuj oficejoj de ĉiuj registaroj
Ĉiuj ciferoj
Pri homaj suferoj,
Konfesoj sub tortur’,
Pri policaj komisaroj
Aŭ senlaboruloj senesperigitaj
Sub kapitalismo
Komencus sangi kaj plori!
Mi dezirus vidi
La oficistojn sidi
Antaŭ la grandaj libroj ciferaj
Kaj serĉi ĉian tukon
Por forviŝi la sukon
Gluecan, salan el la abismo .
Eble ĝi povus odori
Kaj havi strangajn efikojn :
Oni komprenus statistikojn.
kaj pri aliaj statistikoj, tiuj de Hiroŝimo
STATISTIKOJ
Ducentkvardeksep miloj !
Ies gefratoj, ies gefiloj -
Ducentkvardeksep miloj !
La sumo tro grandiĝis por signifi,
Sed ĉiu estis homo, kiu sentis,
Kiu vundiĝi povis, kaj soifi,
Kiu kriegis, mortis, kaj silentis.
Nek sangas statistikoj nek kriegas,
Sumojn sen larmoj oni jam tralegas.
Ducentkvardeksep miloj !
Malsamaj estis ili, kaj unika
Estis la ĉiu ununura li,
Kaj ĉiu vunddonigra aŭ vezika
Kaj cxiu haŭcifono, ĉiu kri',
Ĉiu rulvundo, ĉiu sangovomo,
Povis ekzisti nur per homa homo.
Ducentkvardeksep miloj !
La ekbrilego sur la muro stampis
Por ĉiam silueton de la viro
Kiu ombrante sidis; iu rampis
Sur la pavimo, la militmartiro
Kiu per puso, sango, ekfetoris,
Kiu per la okuloj blindaj ploris :
Ducentkvardeksep miloj !
Antaŭ la bombo, ĉiu havis sangon,
Lipo, okulojn, generajnorganojn,
Kaj ĉiu havis nazon, haŭton, langon,
Multajn sentemajn nervojn kaj membranojn,
Ĉiu posedis homan nervosistemon.
Nun karbigitaj buŝoj kraĉis ĝemon
Ducentkvardeksep miloj !
Unika ĉiu, kaj al iu kara -
Anstataŭebla hom' neniam estis,
Naskita per doloro mortamara,
Amata kaj amanta – kio restis ?
Monstro tordiĝis sur inferofundoj,
Larvoj tordrampis en la vivaj vundoj.
Ducentkvardeksep miloj !
Ciferoj, nuloj ! Ĉiu estis homo,
Sangantaj statistikoj, homaj nuloj !
Sen haŭto, vidkapablo, lipoj, nomo
Iu kuŝiĝis – sumoj kaj formuloj !
Gepatroj kaj gefratoj kaj gefiloj,
Ducentkvardeksep miloj !
incontournable poème sur Hiroshima
ŝia humanista konkludo
Almenaŭ tiuj, kiuj plej ĉagrenas
La homojn ne ni estu ; estu ni
Ĉe kiuj kelkaj dum sufer’ havenas ;
Ni restu bonfaremaj en nesci’,
Ĉar ĉiu ajn kompleksa pilgrimulo,
Kiu ludadas en la tragedi’,
Estas ni mem, la bildo en spegulo ;
Vi estas mi ; mi estas vi ; en ama
Terura ligo ; vagas en nebulo
Unikaj homoj en mistero sama . . .
(Marjorie Boulton)
kiel ŝi scipovas elvoki tiun karnan kondiĉoj de la vivantoj enfermita cxiu en sia "katena karno" ...
NUR VUNDITA BESTO
Mi komprenas.
Mi estas ĉe vi katido
Kies piedo estas rompita,
Katido, liu lamas,
Kiu ĉiam ĝeme trenas
La katenan karnon.
En beste simpla konfido,
Mi, senmerita,
Lame petas vian kompatan koncernon.
Kara, senrajte mi vin amas.
(Marjorie Boulton)
(PS ici son dialogue avec William Auld, rimleteroj : (son dialogue avec William Auld : http://miiraslimake.over-blog.com/article-2394077.html )
25/05/2015
à Jacqueline
Dans mon chagrin, rien n’est en mouvement
J’attends, personne ne viendra
Ni de jour, ni de nuit
Ni jamais plus de ce qui fut moi-même
Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils perdent leur confiance, ils perdent leur lumière
Ma bouche s’est séparée de ta bouche
Ma bouche s’est séparée du plaisir
Et du sens de l’amour, et du sens de la vie
Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains laissent tout échapper
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n’avanceront plus, il n’y a plus de route
Ils ne connaîtront plus mon poids, ni le repos
Il m’est donné de voir ma vie finir
Avec la tienne
Ma vie en ton pouvoir
Que j’ai crue infinie
Et l’avenir mon seul espoir c’est mon tombeau
Pareil au tien, cerné d’un monde indifférent
J’étais si près de toi que j’ai froid près des autres.
Paul Éluard (1895-1952)