01/10/2019
Un livre dur, comme notre condition, mais capital
« La femme des sables » de Kobo Abé
C'est bien sûr, on s'en apperçoit rapidement, une parabole de la condition humaine. C'est une espèce de Kafka japonais, ou Beckett, il y a aussi comme un parfum de Camus ou de Saint-Exupéry (l'allumeur de réverbère dans le Petit Prince)
ici présenté par Max-Paul Fouchet http://www.ina.fr/video/I10103489 (à qui on peut seulement reprocher vers la fin sa tentative ridicule d'ethniciser Kobo Abé, la recherche raciste et infantile des occidentaux du temps passé à se polariser sur les différences entre LA pensée japonaise et LA pensée occidentale, conneries ! Surtout pour cette oeuvre, elle est, hélas, on ne peut plus essentielle et universelle : il n'y a qu'une seule et même condition humaine)
c'est un livre capital, un des classiques éternels de la littérature mondiale. Achetez-le, il peint votre sort, et sans doute votre atttitude, je vous le souhaite, car c'est une sorte de rédemption de Sysiphe par l'amour, physique, on pense à la philosophie de Schopenauer là, et moral aussi, profondément.
un livre à ajouter bien sûr au livres recommandés http://miiraslimake.hautetfort.com/archive/2014/09/13/liv... )
comme Kafka ou Melville, un des plus grand romans de la littérature universelle
Kôbô Abe - La Femme des sables (1967)
cf Kafka « Le Château ». etc Herman Melville, Beckett, Pinter, Camus (le mythe de Sysiphe), Ionesco)
Résumé du livre et divers commentaires trouvés sur le net.
Un professeur parti à la découverte de quelque insecte des sables échoue dans un petit village du fond des dunes ― village dont il ne pourra plus sortir. Comme les autres habitants, le voilà prisonnier du sable : le sable qui envahit tout, qui s'infiltre dans la moindre fissure et qu'il faut sans répit rejeter. Particulièrement dans le trou où est tapie la maisonnette qu'il habite en compagnie d'une femme fruste, vraie maîtresse-servante. Jour après jour, mois après mois, l'homme et la femme rejettent le sable. Cet esclavage est la condition même de leur survie. Lassé de cette routine, l'homme tentera de s'échapper, de retrouver sa liberté
Roman insolite d'une extraordinaire richesse, dur et angoissant qui, sous l'exactitude et la précision des détails d'une fiction réaliste, retrouve la dimension des mythes éternels. Il ne s'agit de rien d'autre que de la condition humaine avec ses limites désespérantes, ses illusions et ses espoirs.
Abé Kôbô, né en 1924, est un romancier japonais d'exceptionnelle vocation puisqu'on lui doit le prix Akutagawa (1951), équivalent du Goncourt de découverte, pour « Kabé » (Le Mur) et le prix de Littérature de l'Après-Guerre, équivalent du Goncourt des Jeunes, pour « Akaï Mayu » (Le Cocon rouge). D'autres romans suivront et consacreront sa réputation d'écrivain puissant, en pleine ascension : « Baberu no Tô no Tanuki » (Le blaireau dans la Tour de Babel), « Noa no Hako-Bune » (L'Arche de Noé, publié en Ffrance sous le titre « L’Arche en Toc »), « Suichû-Toshi » (La Ville au milieu des Eaux), « Dorei-Gari » (La Chasse aux esclaves) puis « Kemono-tachi wa Kokyô wo mezasu » (Les Bêtes tournent les Yeux vers le Lieu où elles sont nées). En 1962, dès sa sortie, « Suna no Onna » (La Femme des sables) reçoit le prix du Yomiuri, équivalent du Goncourt de consécration, pour ce roman qui s'impose comme le chef d'oeuvre d'Abé Kôbô. Classé par l'UNESCO parmi les oeuvres représentatives du patrimoine littéraire universel, traduit dans le monde entier, « Suna no Onna » a été couronné en France par le prix du Meilleur Livre étranger (1967).
« Suna no Onna » nous conte l'histoire étonnante d'un petit professeur, entomologiste à ses heures, et qui, parti à la recherche d'une cicendèle-de-jardin, insecte des sables assez rare et vivant en bordure des côtes, échoue dans un petit village perdu au fond des dunes – petit village dont il ne pourra plus sortir. Comme les autres habitants, notre professeur va en effet se retrouver prisonnier du sable : hébergé par une paysanne dans une cabane de bois située à vingt mètres sous la ligne de crête des dunes – une cabane qui pourrit lentement, envahie par le sable humide qui s'infiltre dans la moindre fissure - il doit se résigner à vivre comme un animal, tapis dans un trou, et à rejeter ce sable, aidé par cette femme, jour après jour, mois après mois, par seaux entiers et indéfiniment. Cet esclavage est la condition de leur survie : pas de travail, alors pas d'eau et pas de nourriture. Lassé, accablé, désespéré, notre professeur tentera de s'évader. En vain. Et quand la liberté sera à portée de main, il la refusera, préférant retourner à sa vie, en vase clos, dans ce trou qui lui est devenu étrangement familier.
Dans cet ouvrage qui passe pour l'un des plus grands romans de la littérature japonaise contemporaine, l'homme est surprenant de fragilité : il est impuissant face au sable qui, bien que plus petit que lui, bouge et ne cesse pas de bouger, balayant tout devant lui et résistant au temps ; il est impuissant face au travail qui revient irrémédiablement et qui, au-delà des souffrances endurées, devient une vraie nécessité pour lutter contre l'ensevelissement programmé – jusqu'à l'abrutissement total - ; il est impuissant face au regard des autres, un regard qu'il ne comprend pas bien et dont il ne perçoit plus l'humanité ; il est impuissant devant sa propre dépersonnalisation, lui qui se prend à être tantôt le maitre, tantôt l'esclave de la femme, parfois désirable, qui l'héberge ; il est impuissant à raisonner - si ce n'est déraisonnablement – puisqu'il se surprendra à tenter d'évoluer et de se dépasser, abandonnant tout espoir de libération alors que la liberté lui tendait les bras. Cauchemar ! L'angoisse est très présente dans ce livre absurde, lent, complexe, ambigu, déroutant, constellé de longs monologues, déprimant et pas toujours évident à lire compte tenu de son écriture raffinée, fouillée et détaillée, soulevant le moindre grain de sable de nos interrogations existentielles. Très original, assez prenant (le livre ne fait que 271 pages), construit autour de deux personnages principaux, « Suna no Onna » est un livre qui suscite des critiques de toute nature, mais généralement assez tranchées : bref, on aime ou on n'aime pas. Posant plus de questions qu'il n'apporte de réponses, l'ouvrage se prête en effet à une multitude d'interprétations. Que souhaitait nous montrer Abé Kôbô ? Que le monde réel n'est qu'une illusion ou un cauchemar qui ne peut être vécu que grâce à l'évasion que procure le rêve ? Que la liberté n'est qu'une illusion puisque nous sommes « enfermés » sur cette Terre et dans une condition (vaguement) humaine (bien qu'un tantinet animale) ? Que nous sommes fragiles (devant le sable, devant nos instincts sexuels, devant la brutalité dont les autres peuvent faire preuve, devant la douleur de cette femme qui a perdu sa fille et son mari, ensevelis lors du dernier typhon), inconstants (nous hésitons entre la fierté de notre identité et le refuge douillet de l'anonymat, entre nos bonnes vieilles habitudes et la satisfaction que peut procurer toute découverte, entre individualisme et collectivisme), plein de contradictions (pressé de s'évader, notre professeur se sent coupable d'abandonner sa compagne) ?
Pour Abé Kôbô, l'existence (page 255) est un incompréhensible rébus, une absurdité (page 72) qui présente bien des degrés, un tissu de contradictions (refuser de s'alimenter – page 74 – certes, mais la faim abolit toute volonté), un théâtre de marionnettes, d'ombres et de lumières (page 107), un ruban de Möbius (page 120) sans envers ni endroit. Dans cette existence où l'ordre est forcément liberticide (page 166), travailler c'est dépasser sa propre condition, c'est lutter contre la fuite du temps (page 184). Alors, faut-il sortir de cette geôle humaine (page 188) ou y rester ? Et si l'on choisit de rester, (page 249) quelles sont les vraies raisons d'exister ? La vie serait-elle une punition ou une joie ? Les dunes de sables offre la perspective d'un univers monochrome, monolithique, détaché, déshumanisé, désintégré, aliénant, où l'identité de l'être humain a disparu. La réalité que nous offre Abé Kôbô est celle d'un monde polychrome, plein de reflets, où l'homme qui n'est pas qu'un simple insecte est capable d'éprouver de la compassion pour autrui, de faire preuve de générosité, de mettre en oeuvre une morale et de chercher à s'élever, à atteindre un idéal. A une pensée occidentale, rationnelle, très horizontale, Abé Kôbô oppose une pensée japonaise, symbolique, toute en creux et en bosses. Il brouille nos repères, nous déroute et nous incite, comme dans un caléidoscope, à identifier d'autres mondes possibles. Ainsi, ce trou dans le sable n'est pas une chose mais … toutes les choses : il nous reste à prendre un peu de notre temps pour le découvrir !
Un livre singulier, à relire ou à découvrir
Jene savais pas à quoi m'attendre en débutant ce roman. Quand j'ai vu cet homme, collectionneur d'insectes, partir à la recherche d'une cicindèle-de-jardin dont le nom scientifique est Cicindela japonica Motschulsky, j'ai pensé que l'histoire allait être basée sur cette quête du miniature, une version « dunes de sable-movie » où le héros part et se perd dans le sable ; un être infiniment petit par rapport à la force et à l'immensité du sable.
Mais finalement, l'homme, un monsieur tout-le-monde porté disparu depuis, ne se perd pas mais découvre une cabane isolée, et une femme à l'intérieur. Il ne sait pas encore que cette rencontre fortuite va le perdre à tout jamais, qu'il ne pourra plus ressortir de cette cabane. Car là-bas, commence un étrange manège, un éternel travail qui consiste à enlever tout le sable qui s'amoncelle sur et autour de cette cabane…
Derrière cet étrange labeur se cache un sujet essentiel, le temps : ce temps qui file et qui défile, et face au temps, l'homme qui n'est qu'un minuscule grain de sable perdu dans l'éternité. Face au temps qui défile, l'homme n'a plus aucun recours si ce n'est le travail, le travail et le recommencement de ce travail jusqu'à l'abrutissement total. le travail est là uniquement pour faire passer le temps et pour ne pas voir que l'homme est enchaîné malgré lui à sa vie. Quoi qu'il tente de faire, au final, il ne restera que le travail dans un perpétuel recommencement…
L'homme me fait penser à ce grain de sable qu'on enferme dans un sablier. Une fois que le sable est tombé, on retourne le sablier, et le sable continue à nouveau de retomber. L'homme, une fois son travail terminé, n'a d'autres choix que de recommencer à travailler…
Autre point : la relation qui petit à petit s'instaure entre l'homme et la femme. Avec une sensibilité toute universelle, les deux êtres enfermés dans une même cabane (que l'on pourrait assimiler à une prison) gardent leur distance, se méfient et s'épient. Je sens le rapprochement venir, je le souhaite même, mais l'homme a encore des velléités de départ, une fuite de ce qu'il considère une injustice et ne comprend pas que la femme continue à travailler inexorablement pour rien et pour un éternel recommencement. Mais homme et femme éprouvent des sentiments indéniables, c'est dans la nature et face à une promiscuité aussi rapprochée…
(« Bestoj, ni devas iom besti;
ne estas hom' spirit' aera,
sed apetito povas esti
la sola paradiz' surtera » Marjorie boulton - rimleteroj)
Le rapprochement entre ces deux êtres est formidablement décrit, et l'humanité qui s'y dégage apporte un sentiment de plus en plus uni et une mobilisation plus efficace dans l'effort pour combattre ces terrifiants grains de sable…
Pour conclure, je ne m'attendais pas du tout à ce genre de scénario, mais le cauchemar est là (non, je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre !), et le roman devient effectivement un indispensable de la littérature. « La femme des sables » est incontestablement l'un des plus grands romans de la littérature japonaise contemporaine, couronné au Japon par le prix Akutagawa (1962) et, en France, par le prix du Meilleur Livre Étranger (1967). Ce roman a été classé par l'Unesco parmi les « Oeuvres représentatives » du patrimoine littéraire universel.Je me suis longtemps demandé et me demande encore le sens de ce roman magistral. Sorte de "mythe de Sisyphe" réactualisé. Dans chaque alvéole d'un terrain sablonneux, des gardiens surveillent que chaque occupant de son trou en évacue correctement le sable pour maintenir en vie cette sorte de village alvéolaire. Bien malgré lui, le protagoniste va échoir dans un de ces trous déjà occupé par une femme qui ne peut plus, à elle seule, en évacuer le sable. Et notre homme s'aperçoit vite que le piège s'est refermé sur lui. Après l'échec d'une évasion, il comprendra que son avenir sera de rester avec cette femme à travailler à extraire le sable. le sable s'infiltre absolument partout. Peu à peu va naitre une relation plus attendrie au sein du couple, moins conflictuelle.
Je me souviens du magnifique film éponyme de Teshigahara sorti peu de temps après le roman. Une des première images est celle où l'on voit cet homme capturer des insectes et les enfermer dans un bocal. Peu de temps après, il tombera dans le trou, se transformant donc lui-même en l'un de ses insectes dans son bocal. Ce constat amène plusieurs réflexions. L'homme est aussi un animal pris dans son piège. Notre existence se limite-t-elle à celle de Sisyphe, sans cesse recommencer la même tâche ? Accepter consciemment que ce soit le sens de notre existence, comme le pense Camus ? A relier au sens de l'absurde, cher à Kobo. L'absurdité de notre vie. (Là, je crois que Camus ne serait plus d'accord).
Abe Kobo, avec ce livre pose une des conditions essentielles du sens de la vie. de plus l'écriture est magistrale. On sent littéralement le sable s'infiltrer par tous les interstices.
On oublie trop souvent Abe Kobo dans les romanciers japonais à retenir.
nous sommes en plein mois d'août, un professeur prend trois jours de congé pour aller à la chasse aux insectes ; il espère trouver des Cicindèles-de-Jardin, nom scientifique Cicindela-japonica-Motchulsky mais son rêve d'entomologiste est de découvrir une espèce inconnue à laquelle il pourrait donner son nom. Après être descendu du train, il se dirige vers les dunes, en direction de la mer, où il a décidé de concentrer ses recherches. Il a fait grand mystère sur sa destination et sur le but de son escapade auprès de ses collègues qui, dès lors, penseront à une fugue sans que cela ne les inquiète lorsque la police les interrogera sur la disparition de celui-ci. Notre professeur en totale ignorance de ce qui l'attend, le soir venu accepte avec bonheur l'hébergement qui lui est offert auprès d'une jeune veuve du village enfoui dans le sable. Le lendemain il découvre avec horreur la vie qui sera la sienne, tous les jours il lui faut avec la femme, désensabler la maison. Kôbô Abé, d'une très belle écriture, au fil des jours, révèle les pensées profondes du professeur. Kôbô Abé a obtenu pour La femme des sables le prix Akutagawa en 1962 au Japon et le prix du Meilleur Livre Étranger en 1967
Je me suis longtemps demandé et me demande encore le sens de ce roman magistral. Sorte de "mythe de Sisyphe" réactualisé. Dans chaque alvéole d'un terrain sablonneux, des gardiens surveillent que chaque occupant de son trou en évacue correctement le sable pour maintenir en vie cette sorte de village alvéolaire. Bien malgré lui, le protagoniste va échoir dans un de ces trous déjà occupé par une femme qui ne peut plus, à elle seule, en évacuer le sable. Et notre homme s'aperçoit vite que le piège s'est refermé sur lui. Après l'échec d'une évasion, il comprendra que son avenir sera de rester avec cette femme à travailler à extraire le sable. le sable s'infiltre absolument partout. Peu à peu va naitre une relation plus attendrie au sein du couple, moins conflictuelle.
Je me souviens du magnifique film éponyme de Teshigahara sorti peu de temps après le roman. Une des première images est celle où l'on voit cet homme capturer des insectes et les enfermer dans un bocal. Peu de temps après, il tombera dans le trou, se transformant donc lui-même en l'un de ses insectes dans son bocal. Ce constat amène plusieurs réflexions. L'homme est aussi un animal pris dans son piège. Notre existence se limite-t-elle à celle de Sisyphe, sans cesse recommencer la même tâche ? Accepter consciemment que ce soit le sens de notre existence, comme le pense Camus ? A relier au sens de l'absurde, cher à Kobo. L'absurdité de notre vie. (Là, je crois que Camus ne serait plus d'accord).
Abe Kobo, avec ce livre pose une des conditions essentielles du sens de la vie. de plus l'écriture est magistrale. On sent littéralement le sable s'infiltrer par tous les interstices.
On oublie trop souvent Abe Kobo dans les romanciers japonais à retenir
Fabuleux tour de force d'Abé Kôbô, on est soi-même pris au piège dans ce sable mouvant, on angoisse, on a du mal à respirer, on cherche l'issue, l'échelle pour remonter, on sent l'absurdité de la situation. Mais petit à petit on est fasciné on s'intéresse...on aime... une femme étrange, résignée, érotique et attirante...
Admirablement écrit ce roman ne cesse de m'interroger et a un gout entêtant !
(et ce puiseur de sable n'est-il pas finalement semblable au contrôleur des poids et mesures de Giraudoux, qui passera sa vie à attendre sa prochaine mutation ?)
à ajouter à ma liste de "livres recommandés" lisible ici : http://miiraslimake.hautetfort.com/archive/2014/06/26/liv...
07/08/2019
ce qu'il y a dans un vrai vers
Ce n’est que lorsque les souvenirs deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu'ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors que parmi eux le lève le premier mot d’un vers. »
06/07/2019
plaisirs d'autrefois; quand la vie était libre et les églises ouvertes
*
*
28/06/2019
Marie Laforêt 1969 - Quand nous étions encore libres
25/04/2019
La Course au Mouton Sauvage
Il y a un livre que j’aime beaucoup. C’est « La course au mouton sauvage » de Haruki Murakami. Haruki Murakami, japonais féru de tragédie grecque et de jazz est vraiment un auteur très important, à mettre parmi les grands classiques mondiaux, et qui résonne beaucoup en moi.
Voici la fin du dernier chapitre, et LE début de l’Epilogue (et où accessoirement, on constate, à deux détails - vous savez à quel point je remarque les détails que les autres laissent passer, mais qui sont lourds de signification - que je Japon de 1978 était, l’est-il encore je ne sais, un pays libre et convivial, ce que la France n’est plus) :
« Je ne vis qu’un vieillard qui déblayait à la pelle la neige du rond-point . Un chien efflanqué était assis à côté de lui, la queue toute frétillante.
« Un grand merci, dis-je au chauffeur.
- il n’y a pas de quoi, dit-il. À propos, vous avez essayé le numéro de téléphone de Dieu ?
- Non, faute de temps.
- Depuis que le Maître est décédé, je ne parviens plus à obtenir la ligne. Je me demandes bien ce qu’il se passe.
- Il doit être débordé en ce moment, dis-je.
- C’est possible, dit le Chauffeur. Bon, soignez-vous bien !
- Au revoir », dis-je.
Un train partait à midi juste. Les quais étaient déserts., et je ne comptai guère que quatre voyageurs, moi y compris, dans le train. Je me sentais cependant soulagé de voir des silhouettes humaines. J’étais bien revenu dans le monde des vivants. Dans mon monde à moi, fût-il d’une banalité et d’un ennui suprêmes.
La sonnerie annonçant le départ retentit alors que je croquais ma tablette de chocolat. Le train cahota et, à cet instant, j’entendis le bruit d’une explosion au loin. Je soulevais la fenêtre d’un geste énergique et passai la tête en dehors. Une seconde explosion se fit entendre dix secondes après la première. Le train s’élançait déjà. Environ trois minutes plus tard, je vis s’élever une colonne de fumée noire du côté de la montagne conique.
Et pendant trois bonnes minutes, jusqu’à ce que le train virât à droite, je ne quittai pas cette fumée noire des yeux.
EPILOGUE
« Tout est fini, dit le Docteur ès moutons. Tout est bien fini.
- Oui, c’est fini, dis-je .
- Je crois bien que je dois te remercier.
- J’y ai laissé pas mal de choses.
- Pas tant que ça, fit-il, en hochant la tête. Tu viens à peine de commencer à vivre ?
- Vous avez raison », dis-je.
Quand je sortis de sa chambre, le Docteur ès moutons était couché sur son bureau et sanglotait, étouffant ses pleurs. Je venais de le dépouiller de ses années perdues. Avais-je eu raison ? Je me le demande encore.
« Elle est partie, me dit tristement le propriétaire de l’Hôtel du Dauphin. Elle n’a pas dit où elle allait. Vous n’avez pas l’air d’aller très bien.
- Si, si » dis-je.
Je récupérai mes bagages et m’installai dans la même chambre. La fenêtre donnait toujours sur les locaux de cette énigmatique compagnie. Je n’y vis pas la silhouette de la fille aux gros seins, mais deux employés qui travaillaient à leur bureau en fumant. L’un lisait des chiffres que l’autre reportait sur un immense graphique en traçant une ligne brisée à la règle. Ce n’était plus du tout la même compagnie, eût-on dit, sans doute à cause de l’absence de la fille aux gros seins. Rien n’était identique, sinon que je ne savais toujours pas à quoi l’on s’y occupait. À six heures, les employés partirent et l’immeuble fût plongé dans l’obscurité. »
quelques autres citations du livre :
« L’histoire de Jûnitaki était encore longue, mais celle du jeune Aïnou s’arrêtait ici. J’allai aux toilettes, où j’urinai le contenu de deux boites de bières. »
«Mais il y avait rangés à l'intérieur de ces cinq doigts et de cette paume comme dans une mallette d'échantillon, tout ce que je voulais et tout ce que je devais savoir de la vie. C'est elle qui m'apprit, en me prenant la main, qu'il existait bel et bien un lieu de plénitude au cœur même de la réalité."
Et il y en a encore plein d'autres, qui vous laissent figé dans des abîmes d'émotion, et je ne vous ai pas cité les dernières phrases du livre ...
13/04/2019
Breaking the waves - un sublime conte philosophique
J'en ai acheté la vidéo, c'est un film non seulement très émouvant mais à revoir et à méditer. (Et en ce temps de Carême approchant de la Passion c'est tout indiqué)
cette communauté (les gens de l'île d'Ecosse où ça se passe) permet je trouve de comprendre le lien entre le protestantisme calviniste et le libéral-fascisme actuel britannique, Bushiste et autre.
http://lesakerfrancophone.fr/le-calvinisme-les-fondations...
De ce point de vue beaucoup de traits de propos et d'incidents méritent d'être analysés pour y reconnaître la généalogie de la perversion sociale de ce type. (Et qui est pour une large part sous une version religieuse la matrice de ses avatars laïcs actuels et de la société moderne où nous vivons, y compris en dehors de cette culture, qui est en train de répandre son influence sur le monde entier )
A l'opposé Bess est la personnification de l'appel de Rolando Toro qu'il "faut être excessif en tout ce qui est excellent, l'amour, l'amitié ..."
Ce film (qui à l'époque avait excité la critique, émoustillée à cause de ses quelques scènes "sexuelles"!) est surtout et d'abord une condamnation implacable (et méritée) de l'immonde mentalité de la société anglo-saxonne et étatsunienne, les gens qui ont fait cette société, y compris telle qu'elle est actuellement ce sont des gens comme ça. Et ensuite c'est un sublime conte philosophique sur le pur amour, l'histoire d'une sainte et martyre, la seule de tous ces villageois qui ne sera pas damnée
05/03/2019
via ombro rompiĝis
Pri aferoj fantaziaj
kaj amaso da mensogoj
kun kuraĝo kaj senhontaj
niaj ombroj nun babilas.
La magneta vento kaptas
iom post iom la vortojn
kaj per gaja samba-ritmoj
al la homoj ĝi proklamas.
Via ombro ĵus rompiĝis
kaj vi tion ne perceptis,
ĉar ĉiutage la ombroj
pri fantazioj babilas.
Arquillos januaro 2019
25/02/2019
sunas
Sunas de antaŭlonge sunas
ĉe la fora horizonto,
sed mi loĝas en angulo
kie ĉiam regas ombro.
Arquillos januaro 2019
24/02/2019
sur la blanka litotuko
Sur la blanka litotuko
mi trovis veluran kison;
ŝi ĝin lasis,
ekforirinte kun urĝo.
Estis frue,
kiam ankoraŭ la suno
duondormis,
kaj la malhelo... griziĝis
iĝante luma mateno.
Mi ploretis, sed tuj poste
mi ridetis kun kolero
kaj senbrue mi kriegis
rigardante la ĉielon,
kiu jam sin montris blua
kaj malaperis la lumon
de la radianta stelo.
"Ĉiopova, kara Dio!
tra la senlima universo
ŝi vagadas,
bonvolu, ŝi lasis kison
sur la litotuko blanka.
Ne malfermu la pordegon,
ĉar mi bezonas redoni
al ŝi la veluran kison,
kiun ŝi lasis kun urĝo
apud blanka kap-kuseno.”
Arquillos novembro 2018