à quoi bon l'existence ? (23/10/2015)

Jules Laforgue

Le Sanglot de la Terre (et autres premiers poèmes)



Je ne puis m’endormir ; je songe, au bercement
De l’averse emplissant la nuit et le silence.
On dort, on aime, on joue. Oh ! par la Terre immense,
Est-il quelqu’un qui songe à moi, dans ce moment ?

Le Témoin éternel qui trône au firmament,
Me voit-il ? me sait-il ? Qui dira ce qu’il pense?
Tout est trop triste et sale. — À quoi bon l’Existence ?
Si ce Globe endormi gelait subitement ?

Si rien ne s’éveillait demain ! Oh ! quel grand rêve !
Plus qu’un stupide bloc sans mémoire et sans sève
Qui sent confusément le Soleil et le suit.

Les siècles passent. Nul n’est là. Pas d’autre bruit
Que le vent éternel et l’eau battant les grèves....
Rien qu’un Cercueil perdu qui flotte dans la Nuit.

 

"Du vieux papier on fait du neuf, et des morts se font les vivants, et toujours ainsi, jusqu’à la fin des siècles ! Or, si tout cela n’est que cela, néant pour néant, ne valait-il pas mieux le néant calme ?" (Henri Cazalis)

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