27/07/2013
pliaj unuversaj universoj
ĉu vi memoras plu la ravegajn unuversajn universojn de G.E. MAURA ? jen pli
(ĉu pli? kiel dirus Marjorie Boulton! )
Une nouvelle sélection supplémentaire d' Unuversaj universoj (= "univers en un seul vers") de G.E. MAURA :
La kok' de l' tago pikas unuope la stelgrajnojn
.......
(c'est beau mais je préfère encore le poème de Raymond Quenaud, que je me récite invariablement quand je me retrouve à l'heure avant que le jour se lève, c'est à dire maintenant plus jamais hélas, trop de mal à dormir et à me réveiller, plus jamais de voyage même à 30 kilomètres. Le poème de Quenaud je le mets en bas de la page)
Je l' pintoj de l' arĝentaj betuloj lumo kantas
.......
Riĝelo, Fomalhoto, Betelĝuz', Altairo
.......
sublime ! ne trouvez-vous pas?
après tout un des plus beaux poèmes français (et un de ceux "qui hantent"(-aient...) Georges Pompidou) n'est-il pas celui-ci:
"Orléans, Beaugency, Notre-Dame de Cléry, Vendôme"
Odor' de fruktoj mortaj en la muskoj, Oktobro
.......
Velurokula vino en tinta glas' ridante
.......
Al paseret' trinkigas la flako ĉielbluon
.......
Rideto de l' glicinoj, pinĉeto je la koro (oh que oui!)
.......
Dormon -- ignotum mare -- mi sen kompaso drivas
.......
Ho neĝo, kiel bela vi estos, trans la homoj!
cette fois-ci aussi je vais en traduire un, pas le plus beau, mais
celui qui est le dernier, ci dessus il dit:
"Oh neige comme tu seras belle plus tard, après les hommes! ..."

le poème promis de Raymond Quenaud:
LA NUIT
Elle replie soigeusement la couverture
Qu'elle étendait aux quatres coins de l'horizon
Elle la roule avec lenteur et précision
Pour qu'apparaisse le drap et les bleuissures
Des gouttes qui vont mouiller routes et buisons.
Cette vieille femme avec son ballot de loques
C'est elle, elle attend l'autocar des nyctalopes
Elle reviendra, elle reviendra, c'est sûr!
Etendre sur le monde sa ferme couverture.
(1954)
faites-moi plaisir, aprenez-le par coeur vous aussi, vous verrez il changera votre vie.
http://miiraslimake.over-blog.com/article-6809656.html
06/07/2013
la liberté quotidienne, celle des GENS ! ou évolution actuelle de notre société
Dans une célèbre vidéo il y a une réflexion de Soral sur la liberté des citoyens en Syrie: il explique qu’à Damas vous pouvez fumer votre cigarette et boire un verre assis sur une bagnole sans qu’un flic ne vienne vous embarquer. Si vous brulez un feu à deux heures du matin dans une rue déserte les flics ne vous diront rien etc etc
sur un forum un internaute ajoute :
« et je confirme!!!! je me souviens d’avoir vu à Damas dans un quartier ni populaire ni hyper chic à trois du mat de jeunes occidentaux qui faisaient la fête dans les rues et faisaient les c… gentiment : en France cela aurait eu pour conséquences le commissariat direct. A Damas ils ont pu continuer sous les yeux des flics amusés…..et pourtant pour beaucoup la Syrie serait un état policier et la France le "pays des droits de l’homme" ( rires !!!!!) cherchez l’erreur Pourquoi est-ce que dans ce cas nous ne nous sentons plus bien du tout dans ce pays la France? et surtout depuis quelques années? »
Publié dans la vraie vie, libertés, Société | Lien permanent | Commentaires (3) | Imprimer
15/06/2013
Tanya d'Anatoly Efros
*
lien à la vidéo :
Tanya1974Anatoly_Efros_1 par Jacqueline
un film interessant surtout car on y voit quelle était la vie en Union Soviétique à l'époque (remarquez, en France aussi dan sles années 60), vachement plus libre décontractée et conviviale que dans la sinistre France actuelle. (vous avez rien remarqué ?)
*
Publié dans Films, la France s'enfonce dans le Libéral-Fascisme, la vraie vie, libertés, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
26/05/2013
un de plus beau poème de Roberts Frost
Nature's first green is gold,
Her hardest hue to hold.
Her early leaf's a flower;
But only so an hour.
Then leaf subsides to leaf.
So Eden sank to grief,
So dawn goes down to day.
Nothing gold can stay.
20/04/2013
nostalgie, nostalgie !
le lieu, Baiyin, est dans la province du Kan-Sou
Publié dans la vraie vie, Science, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
04/04/2013
Kafka
(Un autre livre qui mériterait de figurer parmi
les grands classiques de la littérature, c'est
La Course au mouton sauvage de Haruki Murakami)
Avez-vous lu « Le Château » ? Ce roman, le plus étrange, et en même temps le plus typique et le plus profond de Kafka qui commence par ce paragraphe inoubliable :
« Il était tard lorsque K. arriva. Une neige épaisse couvrait le village. La colline était cachée par la brume et par la nuit, nul rayon de lumière n’indiquait le grand Château. K. resta longtemps sur le pont de bois qui menait de la grand-route au village, les yeux levés vers ces hauteurs qui semblaient vides.»
Ce roman de 500 pages qui raconte les vains efforts d’un arpenteur, dont on ne sait rien qu’une initiale, K., pour obtenir un permis de séjour dans un village dominé par un mystérieux Château, est resté inachevé, par la mort de l’auteur (encore un symbole, même s’il est involontaire !) mais on sait comment il avait l’intention que finisse son roman :
L’« arpenteur » obtient finalement satisfaction, mais au moment où il meurt d épuisement. Autour de son lit de mort la commune se rassemble, et c’est à ce moment qu’arrive su Château une décision déclarant que K. n’a pas réellement droit de cité au village mais qu’on l’autorise tout de même à y vivre et y travailler par égard pour certaines circonstances accessoires.
Comme dit le procès-verbal de Momus :
« L’arpenteur K. devait d’abord chercher à se fixer au village. Ce n’était pas aisé, car personne n’avait besoin de ses travaux, personne ne voulait le recevoir, hormis l’aubergiste du Pont dont il avait surpris la bonne volonté, personne ne se souciait de lui. »
Si vous n’avez pas encore compris l’ami de Kafka, qui l’a édité, dit dans sa postface :
« on peut dire que ce « Château » où K. n’obtient pas le droit d’entrer et dont il ne peut même pas approcher comme il faut, est exactement la « Grâce » au sens des théologiens, le gouvernement de Dieu qui dirige les destinées humaines (le « village »), la vertu des hasards et des délibérations mystérieuses qui planent au-dessus de nous.
….
et comme l’homme épie, perplexe, tendant l’oreille aux bruits du monde qui ne répond que par le silence ou par les oracles les plus divers à son éternelle question concernant le bien et le mal, et comme pourtant l’espoir reste indéracinable au fond de son âme sur la seule voie qui lui soit destinée ! Jeux de cache-cache de l’intuition, retards, obscurités, donquichotteries, difficultés, impossibilités de la condition humaine, … et ce pressentiment qui transparaît quand même à travers toutes nos erreurs, d’un ordre qui doit nécessairement régner dans des sphères plus hautes.
Il évoque aussi le rôle que jouent les femmes dans tout ça :
Un passage du manuscrit, biffé (et c’est encore là une singularité de l’auteur : les passages supprimés paraissent aussi beaux que le reste, aussi essentiels), dit donc : « Il était obligé de s’avouer que, s’il eût trouvé ici Pepi au lieu de Frieda et qu’il lui eût supposé la moindre relation avec le « Château », il eût cherché à presser le mystère sur son sein du même cœur qu’il avait pressé Frieda. »
Et conclut par :
…
Cet «à faux » des efforts que l’homme entreprend pour comprendre Dieu, cette impossibilité où se trouve sa raison de lancer un pont sur l’abîme, ne pouvaient se trouver mieux rendus
Kafka – pour m’exprimer avec sa discrétion – a « beaucoup vu », il a vu beaucoup de choses qu’on ne soupçonnait pas avant lui.
(Max Brod)
Quand à Camus, dont les personnages semblent dans la même situation que K. il dit dans « Le Mythe de Sisyphe » :
« Lorsque K… téléphone au château, ce sont des voix confuses et mêlées, des rires vagues, des appels lointains qu’il perçoit. Cela suffit à nourrir son espoir, comme ces quelques signes qui paressent dans les ciels d’été ou ces promesses du soir qui font notre raison de vivre. »
Voici un passage du roman :
Olga :
« Il se tuait en pèlerinages et ces démarches qui, sans l’argent, eussent pris rapidement la fin qu’elles méritaient, traînaient en longueur grâce à nous. Comme on ne pouvait vraiment rien faire d’extraordinaire pour les suppléments qu’il payait, un secrétaire essayait quelquefois de lui donner un semblant de satisfaction en lui promettant une enquête et en laissant percer une allusion à certaines traces qu’on aurait déjà trouvées et qu’on suivait, non par devoir, mais par sympathie pour le père ; et le père, au lieu de se défier un peu plus, devenait un peu plus crédule. Quand il avait reçu ces promesses sans valeur, il revenait à la maison comme s’il nous eût apporté la bénédiction du Bon Dieu, et c’était supplice que de le voir grimacer derrière Amalia en ouvrant de grands yeux, en souriant d’un air fin et en nous la montrant du doigt pour nous donner à entendre que la réhabilitation de sa fille était sur le point de s’accomplir grâce aux efforts qu’il avait faits.
….
Il avait formé le dessein de se poster près du Château sur la grand-route à l’endroit où passaient les voitures des fonctionnaires et si l’occasion s’en offrait, de présenter sa demande de pardon. A parler franc, c’était un projet dénué de toute raison, même si l’impossible s’était produit et que sa prière fut parvenue jusqu’à l’oreille d’un fonctionnaire. ….. on peut passer des heures à la leur expliquer, ils remuent la tête poliment mais ils ne comprennent pas un mot. Et c’est bien naturel ; vous n’avez qu’à chercher à comprendre les petites questions administratives qui vous concernent personnellement, des affaires de rien du tout qu’un fonctionnaire règle d’un haussement d ‘épaule, cherchez à les comprendre à fond, vous aurez trouvé du travail pour toute votre vie et vous n’en viendrez pas à bout.
Les moindres détails extérieurs hurlaient l’impossibilité de l’entreprise.
….
Le récit d’Olga lui découvrait la perspective d’un monde si grand, d’un univers si invraisemblable qu’il ne pouvait s’empêcher de la confronter un peu avec ses petites expériences pour se convaincre plus nettement de l’existence de ce monde aussi bien que du sien.
- C’est possible, dit Olga, mais … en tout cas aucun d’entre eux n’a de temps à perdre avec le père. Et puis le Château a plusieurs entrées : une fois c’est l’une qui est à la mode et tout le monde passe par-là, une autre fois c’est une autre et les voitures y affluent. D’après quelles règles ces changements s’opèrent-ils ? On n’a pas encore pu le trouver. D’ailleurs, comme le lieu des sorties, le nombres des voitures varie constamment lui aussi suivant des lois impénétrables. Il se passe souvent un jour entier sans qu’on en aperçoive une seule, puis elles processionnent sans arrêt. Et maintenant, en face de ce défilé, représentes-toi notre père. Vêtu de son plus bel habit qui sera bientôt le seul qui lui reste, il quitte la maison chaque matin, escorté de nos bénédictions. Il emporte un petit insigne de pompier – auquel, au fond, il n’a plus droit – pour l’arborer hors du village ; au village même il a peur de le montrer bien que cet insigne soit si minuscule qu’on ne le voit pas à deux pas ; mais le père s’imagine que ce brimborion va attirer sur lui l’attention des fonctionnaires qui passent au fond de leurs voitures ! Non loin de l’entrée du Château sont les jardins d’un maraîcher, un certain Bertuch, ce fut là, sur le rebord du mur étroit qui supporte la grille du jardin, que le père choisit une place.
…
Le père restait donc assis là tous les jours ; l’automne était morne et pluvieux.
…
Par la suite il cessa de raconter ces détails, il n’espérait sans doute plus rien, ce n’était plus que par devoir, pour faire son aride métier, qu’il allait à-bas passer sa journée. Ce fut à cette époque que commencèrent ses douleurs rhumatismales.
…
Jusqu’à ce qu’un beau matin le père ne put plus tirer hors du lit ses jambes raides ; il était désespéré ; il croyait voir dans son délire une voiture qui s’arrêtait justement devant chez Bertuch, un fonctionnaire qui descendait, le cherchait le long de la grille, et, dépité, remontait en hochant la tête dans sa voiture ;L père poussait alors de tels cris qu’on eût cru qu’il cherchait à se faire entendre du fonctionnaire de si loin et à lui expliquer combien il était peu coupable de son absence.
….
Et c’est fut alors que commença ce semblant de service dont je t’ai parlé. Barnabé pénétra pour la première fois au Château, ou , plus exactement dans le bureau qui est devenu pour ainsi dire le centre de ses opérations avec une facilité faite pour surprendre tout le monde.
….
Mais si moi, K., j’ai parfois dénigré ce service de messager, ce n’était pas dans l’intention de te tromper, c’était par peur. Ces deux lettres qui sont passées par les mains de Barnabé constituent depuis trois ans le premier signe de clémence qui ait jamais été adressé à notre famille. Ce revirement, si c’en est un et non une illusion – car ici les illusions sont plus fréquentes que les revirements – est en rapport avec ta venue.
….
- Pourtant, dit K., toi et Amalia, vous cherchez toutes deux à m'oter de plus en plus confiance dans les messages.
- Oui, dit Olga, c'est ce qu fait Amalia; et je l'imite. C'est l'effet de ce manque d'espoir qui nous accable. Nous croyons que l'absence d'intérêt des messages est une chose tellement évidente que nous ne risqons de faire aucun mal en en parlant, et qu'au contraire nous nous rendons par là plus dignes de ta confiance et de ta pitié, les seules choses dans lesquelles nous espérions au fond; Me comprends-tu? Voilà comment nous raisonnons. Les messages sont sans intérêt, on ne saurait y puiser directemen nulle force, tu es trop intelligent pour t'y laisser tromper, et, si nous pouvions te tromper, Barnabé ne serait qu'un porteur de mensonges.
......
- Non, dit Olga, tu t'y trompes et peut-être s'y laisset-il prendre lui aussi; à quoi est-il donc arrivé? Il a le droit d'entrer dans un bureau, et encore cette salle où il entre n'a même pas l'air d'être un bureau, c'est peut-être tout simplement l'antichambre des vrais bureaux, et peut-être même pas, c'est peut-être une pièce où l'on retient tous ceux qui n'ont pas le droit d'entrer dans les vrais bureaux; Il parle avec Klamm, .. mais est-ce Klamm, N'est-ce pas plutôt quelqu'un qui ressemble un peu à Klamm? un secrétaire peut-être, en mettant les choses au mieux, qui ressemble un peu à Klamm et qui travaille à lui ressembler encore plus, qui prend le genre endormi de Klamm et son air de rêver toujours; c'est par ce côté qu'il est le plus facile à imiter, aussi bien des gens s'essaient-ils de le copier en cela, laissant prudemment de côté le reste de l'original. Un homme aussi souvent recherché et aussi rarement atteint que Klamm prend facilement dans l'imagination des gens des sillouhettes différentes."
Quelques interprétations des symboles qu’on peut déduire du récit (la lecture de ce roman, comme vous vous êtes peut-être rendu compte, stimule l'intellect et l'intuition, et les met en recherche de significations symboliques cachées) :
l’Arpenteur = l’homme et sa raison
Barnabé : l’Église, les « Prophètes »
Les aides = les instincts
Klamm = Dieu
Sortini ? Le Christ ?
Momus = le Pape
Erlanger = Vishnou endormi.
C'est un livre que certains jugeront sans doute ennuyeux et plein de détails et de propos oiseux (c'est voulu !) mais que beaucoup d'autres liront avec passion, enchantés et retenus par le mystérieux "je ne sais quoi" qui s'en dégage, et année après année toujours il éprouveront le désir de replonger dedans !
19/03/2013
graveco de l'karesado
«Per l’haŭto ĉefe iĝis ni amantpovajn estaĵoj.» (Pr. HARLOW)
[ en « La patrina dorlota sistemo ĉe la rhesus simio » Rheingold Eld.]
“Haŭto estas emocifonto.” (Dro. Leleu)
„Karesi ne estas tuŝi aĵon, tio estas kiel knedi iom da animo mem.“ R.P.
Karesmanko ĉe la bestoj
Plej el la bestoj ŝatas karesojn de la homo ; la dombestoj – precipe hundoj kaj katoj – petas ilin. La sovaĝaj bestoj kvietiĝas pro efiko de milda mano. Ekzemple al la delfenoj plaĉas, ke oni gratas ilian dorson.
La haŭta stimulado plej grava ĉe la bestoj estas lekado. Ĉu ili sin lekas (memlekado), ĉu ili lekas siajn idojn (amlekado).
La eksperimentoj fare de Harlow pri simioj estas plej pruvefektaj. En kaĝo li lokigas sur unu ekstremo simiinaspektan manekenon el dratreto kovrita per densa lanaĵo kaj varmigita per elektra lampo. Sur la alia ekstremo li lokigas dratretan manekenon nudan kaj malvarman.
Dum unua eksperimento oni disponigas aŭtomate liverantan suĉbotelon en la lana manekeno : oni konstatas, ke la bebo pasis 18 horojn el 24 apud ĝi, kaj neniu apud tiu el nuda dratreto. Dum unu dua eksperimento oni lokigas la suĉbotelon en la patrina surogato el nuda dratreto ; la bebo pasigas unu horon apud ĝi, kaj 7 ĝis 16 horojn apud la lana !
La patrina « funkcio » do ne reduktiĝas je sia nutriga tereno ; la funkcio estas ankaŭ liveri korpan agrablan kontakton. La mamnutrado plenumas ne nur nutran rolon, sed ankaŭ emocian rolon, kiel emfazas Harlow plivastigante je la homoj : « Ja la homo ne vivas nur el lakto » (1) Jes ĝi vivas el kontaktoj varmaj, koraj kaj mildaj. Tio estas « la lakto de tenereco ».(2)
Dum aliaj eksperimentoj Harlow metas nur manekenojn el simpla dratreto. La idoj tiam buliĝas sur sin kaj sinkas en obtuziĝo el kiu ili eliĝas nur por pasiege suĉi sian polekson kaj piedfingrojn, aŭ balanciĝi senfine. Ili iĝas agresemaj kaj memvundas.
Poste tiuj orfoj havos sociajn kaj seksajn kondutojn misregulitaj : ĉeestigitaj je siaj samspeculoj ili evidentiĝas malkapablaj al ludoj, kaj evitas kontaktojn ; ĉeestigitaj je virsimioj la simiinoj ne alprenas sekskuniĝan pozicion. Post la nasko ili ne plenumas sian patrinrolon kaj restas indiferentaj je siaj idoj.
Tiuj perturboj estus malpliaj aŭ ne ekzistus, se oni estus eniginta en la kaĝon de la orfaj beboj infansimiojn po unu horo tage. « Lekado aŭ ĝiaj samvaloraĵoj aliforme plezuraj, estas unu inter la faktoroj, kiuj kunlaboras al iĝo de la kapablo ami. » (Ashley Montagu)
Aliaj eksperimentistoj interesiĝante pri ratoj montris, ke la karesitaj individuoj estas malstresaj, kvietaj, fleksiĝemaj, fidemaj, kaj eĉ aŭdacaj ; ilia lernigado estas pli sukcesa, ilia kresko pli rapida, ilia eltenemo kontraŭ infektoj pli alta, ilia cerbo pli peza. Male la ratoj ricevantaj la nur necesaj prizorgadojn, en pura indiferenteco, estas stresaj, malkvietaj, streĉaj, timemaj kaj agresemaj.
(nu, nun pripensu la problemojn de la nuna socio …)
Ĉe la infanoj
Kompreneble ĉio ĉi des pli validas pri la homaj estaĵoj.
En la usonaj orfejoj, ĝis la komenco de ĉi jarcento (la XX-a), 90% el la infanoj mortis antaŭ aĝo de unu jaro, post malrapida konsumiĝo. Tamen la nutrado kaj higieno liveritaj al ili estis neriprocheblaj. Kuracistoj ekkonsciis, ke ili mortadis pro ammanko, kaj rekomendis al la laborantaro dorloti al ili samkiele al siaj propraj infanoj. La mortkvanto iĝis 10% .
En la malsanulejoj, kie ili loĝas longtempe, aŭ en la orfejoj, la infanoj montras malfruiĝon rilate sia kresko kaj psiko-mova malvolviĝo ; ilia haŭto estas mola kaj pala ; ila konduto estas stranga : ili rifuzas kontakton, restas rigidaj en brakumo, ne estas amumemaj ; ili suĉas sian polekson kaj balanciĝas. Tio ĉar al ili mankas la karesoj, sen kiuj estaĵo ne povas ekflori kaj plenumiĝi.
Kaj la plenkreskuloj
La furoro ĉe niaj samtempuloj je la « karesoj » de l’maro aŭ l’suno, evidentigas konjekteble, akrecon de la vivo kaj manko pri tenero ; kiel egale adopto pli kaj pli ofta je dorlotbestoj utilas kiel surogato je la karesado kaj varmo homaj.
Kaj oni trovas ĉi tie la plenan karavanon de la psiko-somaj malsanoj tiom bone studitaj de Freud, Grodeck kaj Balint.
Oni retrovas en la korpsinteno kaj la konduto de tiuj senkaresaj plenkreskuloj la samajn deteniĝojn, rigidecoj, kaj mallertecoj, kiuj ekmontriĝis ĉe infanoj, kaj kiuj plejaltas ĉe iuj maljunaj fraŭloj aŭ fraŭlinoj, aŭ ĉe la disputemaj edzinoj kaj frostmienaj edzoj.
(1) aludo al la diro de Jezuo Kristo « la homo ne vivas nur el pano, sed el la parolo de Dio ».
(2) konata esprimo de Ŝekspiro : « the milk of human kindness
esperantigis R. Platteau junio 2003
Publié dans Esperanto, la vraie vie, mi iras limake, Philosophie, Science, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
03/03/2013
La okuloj
Vidu, kiel dolĉe, kiel bone
estas ĉiuj kiel fratoj loĝi kune
Estas kvazaŭ rara oleo sur kapo fluanta
malsupren sur barbon sur vestokolumojn.
Kvazaŭ roso
malsupreniĝanta el de la montoj
Tie kuŝas viv' por ĉiam
tie kuŝas viv' por ĉiam
La okuloj restadis kontraŭ miaj
Ili ne volis foriri.
Mi diradis al ili: « iru for! »,
Ili restadis
fikse senmovaj
Tial
Mi pelis ilin per bastono,
per piedbatoj;
Sed kiam ilin oni forpeladis
tuj oni vidis ilin revenantaj galope
kaj vidis ilin sin posteni
kontraŭ la proprajn okulojn.
Kontraŭ la propran nazon mian.
Tial mi iris serĉi ajlon
mi tranĉis cepojn
kaj mi plorigis ilin !
Sed la okuloj restadis,
enradikiĝintaj kiel plantoj,
Ili nepre ne volis foriri.
Tial
ĉar mi komprenis ke,
Mi ne povos ilin forpeli,
Mi lasis ilin eniri en mian domon.
Ili manĝis ĉe mia tablo mian panon
kaj partigis ĉion, kion mi havis,
kaj ĉefe ĉion
Kion mi ne havis.
Tial
Tiuj okuloj iĝis miaj propraj
Kaj miaj propraj iĝis tiuj.
Vidu, kiel dolĉe, kiel bone
estas ĉiuj kiel fratoj loĝi kune
Estas kvazaŭ rara oleo sur kapo fluanta
malsupren sur barbon sur vestokolumojn.
Kvazaŭ roso
malsupreniĝanta el de la montoj
Tie kuŝas viv' por ĉiam
tie kuŝas viv' por ĉiam
Julos Beaucarne
Esperantigis R. Platteau
http://www.paperblog.fr/4644816/notre-vie-de-paul-eluard-...
17/02/2013
le souvenir des deux chiens de Coat Forest me déchire encore le coeur
Souvenir extrait de ma randonnée équestre en Bretagne (péninsule de Crozon, Finistère) en avril 1987)
Le 25/4/1987 matin « gite » de Coat Forest : les chiens, les poules, les canards aphones, baptisés par moi « anas discretus », la belle paonne, etc.
A Coat Forest il y avait deŭ chiens, des colleys d’Ecosse, enfin des sous-colley plutôt l’un ; attachés, on se demande pourquoi. Pas besoin de pancarte « attention! chien méchant » mais « attention! chien gentil » comme sur les dessins humoristiques. S’ils sautent sur les inconnus, ce n’est pas pour les mordre, mais pour demander des caresses et les couvrir de coups de langues. En fait ils doivent être malheureŭ, attachés ainsi tous seuls toute la journée ; ils manquent d’affection ; alors que ce sont des chien sentimentaŭ, avec un cœur gros comme ça. Et ils raffolent des caresses, et ils vous sautent dessus, et ils vous étreignent littéralement avec leurs pattes de devant : je n’avais jamais vu ça !!!
Le plus grand, toujours juché sur le toit de sa niche - comme Snoopy dans les bandes dessinées ! – geint quand il vous voit ou que vous partez, s’énerve, saute du toit au sol et su sol au toit, gémit misérablement. L’autre ne dit jamais rien, et quand on le quitte va se recoucher comme si de rien n’était. Mais ce n’est pas je crois le fait d’un caractère placide ou superficiel, en fait, revenant à lui après l’avoir délaissé pour l’autre, je le trouvai étonnamment sans réaction : il boudait de jalousie, enfin, n’y tenant plus, il a bondit frénétiquement sur mon bras, qu’il a étreint d’un geste passionné. S’il se couche sans réagir c’est par résignation, il est je crois comme le personnage de Norge, celui qui quand on l’interrogeait, « avait pris l’habitude de plus répondre »
Et se donnait simplement
L’air d’une poule qui va pondre » (comme moi)
Etc...
»Et quand on l’accusait
Il avait pris l’habitude de ne plus se défendre
Et se donnait simplement l’air
De quelqu’un sous qui la terre va se fendre. » (idem)
Il était en fait encore plus émouvant que l’autre.
Maintenant ça fait - combien? - 26 ans ....... Ils doivent être morts tous les deŭ....
le mien est bien mort (le 7 octobre 2001), qui était sans douté né en 1989.
drame irrémédiable que leur vie
Publié dans la vraie vie, mi iras limake, mort | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
27/01/2013
la guenon qui fut le tendre amour d'Elian Finbert
extraits du livre "Noâra mon amour" de Elian-J Finbert
C'est un livre publié par Robert Laffont en 1962, j’avais 13 ans.
j’ai acheté le livre en mars 2004
Elian-J Finbert : né en 1896 ou 1899 ?, mort en 1977.
Le Livre Noâra mon amour est consacré à la guenon Noâra qui a accompagné son enfance et sa jeunesse pendant une vingtaine d’années (de 5 à 25 ans, donc sans doute 1904-1924 ?) bref sa vie en basse Egypte où il était né et vivait dans le bourg de Minet-el-Gamh..
ici on le voit devenu vieŭ, mais toujours avec des bêtes :
C'est un livre très interessant et instructif, mais aussi plein d'une lumière d'une humanité extraordinaire. Et aussi un livre poignant.
(Les soulignages, et les sous-titres etc, sont de moi
introduction
Les animaŭ auront été mon rêve et ma passion les plus impérieŭ. Parce qu’ils m’ont permis de mieŭ me connaître pour mieŭ aimer. Et je ne m’en plains pas. Ils m’ont ouvert les voies grâce aŭquelles j’ai pu parfois surprendre ce qui se trouve au-delà de l’écorce des apparences, et ils m’ont façonné à leur image intérieure. (p.7)
Chacun de nous a les souvenirs qu’il mérite, tout comme la vie et la mort qu’il mérite, imbriqués dans la moelle aveugle de la fatalité. Et de l’amour qui nous a unis, mes frères animaŭ et moi, j’ai reçu ce que j’en ai mérité, autant que ce qu’ils ont eŭ-mêmes reçu de moi. Car les parts sont égales dans cette « élévation » réciproque. (p.9)
Jamais je n’ai été aimé autant que par eŭ et c’est pourquoi je crois en l’amour des bêtes et à la réhabilitation – Henry de Montherlant dit rédemption – de l’homme par cet amour dont je n’ai jamais pu mesurer l’infini qui ne repose sur rien d’autres que sur l’amour. (p.10)
mon premier conseiller, porteur d’une petite étoile pour m’éclairer, fut un poussin que l’on m’offrit tout frétillant et tout jaunet et qui me lâcha, d’un coup, tous ses secrets comme je lui livrai les miens sans ambages. Et vite nous mîmes en commun notre amitié. (p.11)
un enfant dans les rue d’Egypte
Mais voici que s’en venaient des danseuses et des danseuses avec des musiciens ; Vite on faisait un rond autour d’eŭ et on se mettait à battre des mains. Et puis, voici que s’en venaient des marchands de gâteaŭ nageant dans du miel, des marchands de jus de caroubes glacé dans de hautes jarres, des marchands de poupées en sucre multicolore. Vite, on faisait un rond autour d’eŭ et on marchandait ferme avec des gestes virevoltants accompagnés de rires gras et de grands coups de gueule.
Qu’est-ce que le temps, je vous le demande ? Il est à toi, fils de l’homme. Il est dans le creŭ de ta main et tu le laisse s’écouler, fluide entre tes cinq doigts écartés, au gré de ton plaisir. Tu veŭ t’empiffrer de bonnes choses ? Bon, mange à ta satiété. Tu veŭ étancher ta soif ? Bon, le Nil coule à ras bords. Le sommeil englue tes paupières ? Bon, dors, ici ou là, qu’importe, la poussière n’a pas de prix. Tu veŭ rendre grâce à Allah de t’avoir gardé en vie ? Bon, étends ton manteau sur ce carré de route ou d’herbe et agenouille-toi à la face du ciel.
Mais une cange, enfoncée dans l’eau jusqu’à ses plat-bords, apparut, glissant avec lenteur ; elle promenait des ruches d’abeilles de village en village, car on était au temps où les petites fleurs blanches et grises des fèves étaient gorgées de suc et embaumaient. D’autres canges suivaient, celles aŭ pastèques, celles aŭ poteries, celles aŭ balles de coton, de lentilles et de riz.
Des buffles rêvaient dans le fil du courant, avec sur leur échine des enfants nus qui vainement les encourageaient à rejoindre la rive opposée en pesant sur leurs cornes. Et d’un bourg caché parmi des dattiers surgirent des jeunes filles à la queue leu leu, leurs jarres posées à la renverse sur le haut de la tête, et qui chantaient, avant d’aller puiser l’eau à l’aiguade, cette chanson de « la fleur du henné et de la goutte de rosée » que je saurais aujourd’hui encore répéter sans me tromper…
On me reconnaissait ici, on me reconnaissait là, et je me faufilais comme si j’étais l’un des leurs, et qui ne s’étonnaient pas de rencontrer dans ce flŭ et reflŭ du peuple paysan, ce bambin qui n’était pas de leur race aŭ reins étroits, eŭ épaules droites, et qui portait des vêtements européens. C’était en ce temps perdu à jamais, où l’Egypte était souriante à tous les enfants du monde… On m’offrait de petites figues roses de sycomores et des fruits de cactus dépouillés de leur pelure à dards et, en plus, de la gentillesse plein les deŭ mains. (p.16-18)
exemple d’en-tête de chapitre
celui du Chapitre XI :
De l’intelligence de Noâra, différente de celle de l’homme. – De ce qu’était son âme lumineuse. – Des nombreŭ traits de cette intelligence et de cette âme. – Comment Noâra en vint à inventer un outil. – Où l’auteur adjure le lecteur de n’avoir point vergogne de sa ressemblance avec les singes. Car élever les bêtes, ce n’est pas rabaisser les hommes.
(p.250)
Son amour pour lui
Lorsque mon absence se prolongeait plus que d’habitude, à mon retour, à peine avais-je franchi le jardin pour me diriger vers le perron, qu’elle était déjà instruite de mon arrivée. Elle bondissait en dégringolant les marches ou bien se laissait glisser, pour faire plus vite, sur la rampe de bois de l’escalier et se ruait sur moi dès que j’apparaissais. Puis, par un mélange de sons « pleureurs » et de marmonnements enroués, elle se mettait à exprimer sa longue tristesse passée et son allégresse présente. Perchée sur mon épaule, elle me passait la main sur chaque joue et me fixait attentivement comme pour bien me reconnaître et s’assurer que c’était bien moi.
(p.52-53)
Et je la prenais contre moi, car c’était cela qu’elle souhaitait, et elle mettait ses bras autour de mon cou et, comme un enfant souffrant et triste, elle se laissait aller à de petites plaintes soupirées, des doléances affectueuses, en fermant et en ouvrant tour à tour les yeŭ. Elle passait sa langue sur mes joues, tout en poursuivant son discours d’une manière pathétique. Je voyais bien qu’elle ne voulait pas que je l’abandonne, car dès que je tentais de détacher ses bras de mon cou et de la poser sur le sol, je la sentais se raidir et la colère la gagner ; mais aussitôt que je la serrai de nouveau contre moi, elle manifestait son contentement d’une manière « humaine » et reprenait son babil en s’accrochant à moi avec plus de force, les prunelles humides.
(p.213)
« la musique qui fait pleurer "
Souvent, pour agrémenter nos longues soirées et combler le vide de notre solitude, perdus que nous étions au fond de ce petit bourg de la basse Egypte, dans cette demeure que la nuit investissait et rendait plus vaste encore avec ses deŭ étages, nous nous serrions autour du piano et chantions en chœur de vieilles chansons ou bien des lieder de Schubert que notre mère accompagnait et qui s’envolaient par flots des fenêtres ouvertes, réveillant les familles des fellahs étendues sur les terrasses et les pigeons sur les corniches dont nous parvenaient les roucoulements. Alors Noâra se trouvait au comble d’une jubilation paisible qui ne la butait pas hors d’elle-même mais l’animait d’un sentiment plus concerté, plus conscient, celui d’être entourée de tous les membres de notre famille aŭquels elle se sentait rattachée par des liens très profonds et qui l’avaient adoptée comme une personne, une autre petite sœur, devenue le centre de notre intérêt, de nos divertissements et de nos préoccupations. Et pour exprimer sa gratitude à ce qui représentait pour elle ces séances musicales, elle quittait son poste de guet sur l ‘épaule de ma mère, applaudissait des deŭ mains comme font les enfants, puis bondissait de l’un à l’autre des chanteurs, avec des gazouillis, une tendresse insinuante, comme si elle se fut livrée à quelque ballet aérien, nous souriant et, semble-t-il, nous encourageant.
…
Et comme à l’occasion de ces réunions, par un romantisme qui nous caractérisait tous, nous nous éclairions aŭ bougies, dans ce salon aŭ meubles Louis-Philippe dont les fauteuils et les sofas étaient recouverts de velours vert bouteille, nos ombres mêlées à celle de la petite guenon, voltigeant, pour ainsi dire, entre nous, d’épaule en épaule, balafraient les murs et le plafond de figures étranges… Très tard dans la nuit, nous nous enivrions encore de nos voix à l’unisson et je ne puis nous revoir dans mes réminiscences sans que se détache sur le fond sonore de ces récitals que nous nous donnions la silhouette de Noâra qui, comme toujours, finissait pas s’endormir, accablée de bonheur et de fatigue, sur les genoŭ de ma mère,
…
Ce n’est que bien plus tard que je surpris le secret de ce que désormais j’appelai pour moi seul « la musique qui fait pleurer », secret partagé depuis longtemps ente ma mère et Noâra et puis entre nous trois. La musique donnait à la vie de ma mère sa seule vraie dimension. Elle était sa respiration quotidienne comme sur un haut lieu. A n’importe quelle heure de la journée, brusquement, elle abandonnait ses servitudes ménagères, rejetait son tablier, allait se laver les mains, se poudrait et puis se réfugiait au salon où elle jouait quelque Nocturne de Chopin, sa jubilation permanente, l’édifice de son bonheur secret, sa patrie bienheureuse. Nul d’entre-nous n’aurait osé, à ces moments-là, venir l’écouter dans cette pièce spacieuse, tous rideaŭ tirés qui ne parvenaient cependant pas à contenir la puissance solaire du jour égyptien poignardant à travers les lamelles des persiennes l’obscurité recherchée, piquant ça et là d’une flèche d’or le vernis du piano qui se carrait dans un angle.
…
Le Nocturne N°14 en fa dièse mineur résonna du haut en bas des étages en s’y insinuant, avec ses « polonaises » aŭ tendresses blessées et dont mon âme étai pleine, ‘enveloppa et me plongea dans sa plénitude
…
Et m’étant trop tard rendu compte de ma maladresse pour reculer – peut-être n’en étais-je pas si mécontent – je me glissai, en silence, sur la pointe des pieds, à pas de voleur, jusqu’au plus lointain fauteuil où je me tapis,
..
Mais sur l’autre épaule, celle qui me demeurait presque invisible, je voyais, juchée dans sa pose familière, pattes rapprochées, Noâra, tout doucement bercée par ma mère qui oscillait rythmiquement selon le flŭ et le reflŭ de la musique. La guenon était toute aŭ touches qui cascadaient, avec cette gravité qui était la sienne, mais souvent elle relevait sa petite face intelligente vers celle de la musicienne, en reculant et en se penchant de côté. Et là, dans cette attitude qui, elle aussi, lui était familière, où je ne décelais nul signe de son habituelle fébrilité, à ma stupéfaction je m’aperçu qu’elle ramenait ‘l’autre main demeurée libre et essuyait les yeŭ de ma mère. C’étaient des larmes qu’elle écrasait, dont ma vue, forçant la demi-obscurité, pouvait suivre la traînée qui roulait des coins des paupières sur les joues.
…
Je fus plongé dans une perplexité très grande à me trouver, soudain, le témoin de cette scène. J’éprouvais du remords d’avoir passé outre à la volonté maternelle jamais exprimée mais dont nous convenions et que nous respections. Pourquoi ma mère pleurait-elle ? et pourquoi fallait-il qu’elle pleurât en jouant du Chopin ? Il m’avait semblé que jamais elle n’avait atteint dans l’interprétation du Nocturne N°14 à une telle déchirante tendresse. Et cela me convainquit davantage encore que j’avais transgressé quelque redoutable défense et que ma place n ‘étais pas là.
….
Noâra a rejoint depuis longtemps ma mère dans l’immense thébaïde engloutie dans les sables du temps aŭ frontières des où se confondent ceŭ qui se sont enfoncés à jamais dans l’épais silence des abysses de la terre. J’avais depuis longtemps embaumé l’Egypte, je l’avais emmaillotée et serrée dans des bandelettes de lin et l’avais couchée à jamais dans le sarcophage de bois de sycomore dur de l’oubli. Et voici que le prestige de la musique a exorcisé les fantômes du passé et que je me trouve, aujourd’hui, là, remontant le long des rives de ma vie jusqu’aŭ sources de ma jeunesse
…
Noâra, voyez-vous, ce n’était pas pour moi un singe avec ses grimaceries désopilantes et sa prestesse d’acrobate. Elle est insinuée dans tos les alvéoles de ma mémoire, et si je l’extrais aujourd’hui de cette matière à la fois translucide et vague, ductile et dure où je sui moi-même englué, c’est que les images ainsi ressuscitées qui la cernent sont pou moi celles-là même de ma propre existence. Tant il est vrai que cette petite bête, ma sœur et mon semblable, a su élargir la conscience que j’avais fini par prendre du monde et qu’elle m’a permis de mieŭ me connaître, en me dévoilant à moi-même…
(p.103-110)
divers
J’avais même appris à Noâra à se servir des w.-c Elle s’y rendait d’elle-même chaque fois que le besoin s’en faisait sentir. Si elle se trouvait au jardin ou dans la cour où elle aurait pu se libérer à son aise, selon sa nature, elle se retenait et se rendait à l’endroit prescrit. Elle n’ignorait pas l’usage de la chaîne, elle s’y pendait en bondissant pour l’atteindre, bien que la ĉasse d’eau la terrorisât. Comme il arriva, une fois, que le « niagara » se trouvait dérangé, elle se mit à geindre à l’intérieur – car elle tirait la porte sur elle – puis elle vint me prendre par la main, me conduisit à l’endroit et me fit comprendre que la chaîne ne déclenchait pas la précipitation de la chute d’eau accoutumée.
Car elle craignait toujours d’être grondée, non pas en réalité, de peur d’être châtiée, mais parce qu’elle cherchait toujours à le faire plaisir, à ne pas me chagriner, bien qu’elle n’y parvint pas toujours, sa vraie nature prenant parfois le dessus et la submergeant. Mais je me demande si elle n’était pas poursuivie par le remords d’avoir mal agi, si elle n’avait pas le sentiment de la culpabilité, car souvent elle m’en avait donné le témoignage.
Tous ces gestes étaient naturellement « humains », gestes de tendresse et de gentillesse pour caresser et embrasser ou dans ce que ses actes avaient d’essentiel et qui disaient combien sa vie affective était profonde et riche. Lorsqu’elle était malade, elle se tenait la tête avec les mains ou bien se couchait sur le côté en faisant entendre, de temps en temps, des plaintes expressives, tout en refusant toute espèce de nourriture. Lorsqu’elle se blottissait entre mes bras, en faisant l’enjouée, elle se saisissait tout de suite d’une de mes mains et caressait un à un mes doigts, les flairait ensuite pour y retrouver mon odeur, me mordillait doucement l’oreille, tout en esquissant un sourire qui pouvait paraître cocasse mais était pour moi bouleversant d’affection. (p.64-65)
L’observation qui va suivre est bien connue des spécialistes des laboratoires d’expérimentation sur les singes. Si je la rapporte ici, c’est que j’en fus témoin et que Noâra n’avait nullement besoin d’être « torturée » par des tests pour me donner des preuves quotidiennes de la subtilité de son esprit :
Ma mère avait coutume de suspendre chaque année dans une grande pièce destinée aŭ provisions de bouche des régimes de dattes mûres. Noâra, qui en était gourmande, fut trouvée à plusieurs reprises en train de bondir pour tenter de se saisir des fruits, sans y parvenir. Ces échecs la laissaient toujours perplexe, mais ne la rebutaient nullement. Et un jour, elle avisa une petite caisse vide, la traîna par de laborieuses poussées juste au-dessous des régimes, y grimpa et réussit à atteindre les dattes. Je ne prêtai pas attention à son action, somme toute, de chapardage, car elle m’offrait souvent bien d’autres témoignages de son intelligence en déduisant de ses expériences manquées des comportements logiques qui devenaient des réussites. Et ce ne fut que plus tard, en lisant des ouvrages scientifiques qur les singes, que je me suis rendu compte que c’était là un exploit, né d’une action concertée dont elle avait étudié elle-même l’aboutissement pratique : manger des dattes par l’entremise d’une caisse devenue pour elle un outil, un instrument de travail.
(p.126)
Il y eut une année où Zambo, pris de nostalgie pour sa petite famille, fit venir du Soudan sa femme et son fils Sayed âgé de trois ans. Noâra s’attacha au bambin et ne le quittait pas au point que mue par cette soudaine passion elle apprit très vite à prononcer son nom en l’altérant, bien entendu, au passage.
…
Parfois, on les voyait tous deŭ assis, sur l’une des marches du perron, le bras de Noâra passé autour du cou du garçonnet, et mangeant ensemble soit un fruit, soit un biscuit ou suçant un bonbon qu’ils se passaient réciproquement, d’une bouche à l’autre. Noâra le conduisait dans les allées du jardin avec circonspection, le tenant par la main comme une sœur aînée son petit frère. Si Sayed, pris de sommeil, s’étendait à l’endroit même où il se trouvait, étalé sur le carrelage ou sur le tapis d’une des pièces de la maison, à moins que ce ne soit sur la terrasse parmi les pigeons ou dans le jardin, Noâra allait à sa recherche, tremblante d’inquiétude, l’appelant d’une voix étouffé en raison de la faiblesse de ses cordes vocales, et finissait toujours par le trouver. C’était alors des gambades et des courses folles, à notre plus grande joie.
…
Il arriva une fois que Sayed, s’étant laisser aller à plus d’audace que d’habitude, s’avisa d’attacher une corde à l’une des mains de Noâra et se mit à la traîner, ce qui la contraignait à sautiller sur ses trois membres, ou bien, perdant l’équilibre, elle tombait à la renverse en gémissant. Elle supporta que son petit ami la malmenât de la sorte, qu’il s’amusât à son détriment, sans se débattre mais, à la fin, ce jeu ayant sans doute paru avoir trop duré et, peut-être aussi ses membres en ayant été endoloris, elle fit des tentatives pour se dégager du nœud qui l’enserrait et y réussit. Puis s’étant gratté tout d’abord la tête, ce qu’elle faisait lorsqu’elle se trouvait dans l’incertitude, comme le ferait un homme, et, ensuite, s’étant gratté les bras et la poitrine, ce qu’elle faisait lorsqu’elle était contradictoirement partagée entre un grand nombre d’émotions, je la vis, à ma stupéfaction, se relever et se diriger vers l’enfant, le prendre à bras le corps et se mettre à l’embrasser sur la bouche, les joues, le crâne avec une incroyable véhémence, heureuse, en fin de compte, d’avoir été sa victime…
Mais la grande affaire pour eŭ deŭ ce fut les longues heures où Noâra s’improvisait « chercheuse de poŭ », comme avec moi, la tête de l’enfant serrée entre ses pieds, et elle, toute à cette activité fiévreuse où ses doigts se frayaient passage dans la chevelure rase et crépue. Sayed se prêtait d’autant plus volontiers à cette opération que sa mère l’y avait accoutumé, et heureuse que la guenon l’en dispensa^t et quelle s’en acquittât fort bien elle abandonnait le bambin dès le matin.
C’était toujours au pied du dattier qu’avaient lieu ces quêtes silencieuses où Noâra semblait officier comme à un culte, dos appuyé au fût de l’arbre, l’esprit en arrêt, paupières en mouvement, le masque de son visage tout concentré sur lui-même. Les poules, les canards, les oies, attirés par cette présence insolite et pris de curiosité, ne manquaient jamais de venir, les uns après les autres, s’attrouper à bonne distance pour suivre les mains de Noâra fourrageant dans le crâne du négrillon endormi,
(p.239-243)
Kout le chat
Parmi les animaŭx qui vivaient librement chez nous, Noâra avait choisi pour ami le chat Kout, une étrange bête haute sur pattes, à la fourrure presque lunaire, aŭ prunelles vertes, à qui elle vouait une affection inquiète et jalouse. Et comme le félin était timide et quelque peu flegmatique, le singe exerçait sur lui une tyrannie de tous les instants que l’autre souffrait pacifiquement sans jamais se défendre de ses griffes qu’il avait pourtant très acérées.
Noâra s’emparait de Kout et, l’acculant entre l’étau de ses pieds, dans la pose que l’on voit aŭ mamans-singes lorsqu’elle épouillent leurs petits, elle se mettait en devoir de fouiller ses poils, les doigts prestes, le regard aigu et la face grave, puis elle abandonnait ses recherches et s’étendait avec le chat serré contre elle. On les retrouvait endormis dans les bras l’un de l’autre, Noâra ronflant selon son habitude.
Elle connaissait parfaitement bien le nom de son ami. Lorsqu’on lui disait : « Va chercher Kout » elle filait et n’avait de cesse qu’elle ne l'eût trouvé et elle l’amenait, heureuse d’avoir pu le découvrir en le traînant par la queue ou par la peau du cou pour nous montrer qu’elle avait obéi. Dans ces circonstances, Kout se faisait flasque, mou.
Il se laissait faire, prunelles en fente, ronronnant ou miaulant, les moustaches et les oreilles plaquées en arrière. Il osait parfois se rebeller, mais à peine, et par la force même des circonstances, lorsque par exemple, Noâra le saisissant à bras le corps, se hissait péniblement avec lui sur une maîtresse branche d’un arbre du jardin et là se mettait à le bercer, à l’embrasser et à lui raconter des choses par des sons soupirés, par des gestes et par mimiques dont il avait fini sans doute par saisir le sens. Car à travers les années, les deŭ bêtes avaient dû forcément trouvé un certain mode d’expression et de communication. Elles avaient ensemble et en complices joué tant de tours aŭ autres animaŭ de la maison et à nous-mêmes, entrepris tant d’expéditions clandestines dans les arbres, dans la cour et sur la terrasse qu’il n’est pas possible qu’il n’y eût pas entente naturelle entre elle et préméditation. (p.230-231)
l'enterrement de Noara
Lorsque nous voulûmes l’emporter pour qu’elle reposât au pied de ce dattier de la cour qui fut son poste d’observation et le refuge de ses méditations, Kout s’accrocha à elle et refusa de nous laisser faire. Je le pris dans mes bras, mais il observait et suivait tous mes gestes. Il ne voulait pas que l’on touchât à son amie. Il poussait de petits cris, car il était conscient de ce qui venait d’arriver, et lorsque la petite fosse fut creusée, il refusa de me quitter et son emprise fut si forte que j’eus de la peine à détacher ses griffes de mes vêtements. Il ne cessa pas de rôder autour de nous, réunis que nous étions près de la minuscule tombe, tout au drame de la mort qui le hantait, poils hérissés, poussant des miaulis bouleversants, et doŭ, pendant que ma mère en larmes improvisait, à sa façon, une sorte de prière d’adieu à celle qu’elle appelait « ma petite fille » et « ma beauté ». Il y avait dans les prunelles mi-closes du chat une telle détresse qu’on y pouvait lire la douleur que cette séparation avait ouverte dans sa vie comme une blessure. Depuis lors, convaincu qu’il était cerné, de toutes parts, tout autant que moi-même, par n abandon sans bornes, de jour en jour, il perdit toute activité, ne goûtait à aucune nourriture, jusqu’à ce qu’il dépérit et succombât sur le minuscule tertre où il se traîna et somnola en tentant parfois d’en gratter et d’en labourer le sol sans trouver assez de force dans ses griffes pour y parvenir…
Nous lui bêchâmes un petit trou auprès de son amie et égalisâmes la terre au-dessus d’eŭ comme une couverture tirée sur leur sommeil. (p.274-275)
Publié dans comme le temps passe !, la vraie vie, Livres, mort | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer