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29/05/2022

Derrière toutes les propagandes, la vie dans la Russie actuelle

Deux vielles dames on voyagé en Russie, et font ce que les journalistes devraient faire (si ils étaient libres ....; et si ils faisaient leur boulot !...) 

"Pour vous mettre dans l’ambiance, il n’arrête pas de pleuvoir à Kazan, ce qui rafraîchit l’atmosphère et empêche la chaleur de s’installer, mais enfin nous pouvons quitter les vêtements d’hiver que nous avons dû porter jusqu’ici et mettre des sandales. Nous les récupérerons  en arrivant à Moscou, parce que dans la capitale moscovite, il fait la température de 16 degrés, celle d’un beau mois de novembre à Marseille, avec un pull à col roulé, je suis tout juste en train d’éviter le coup de froid. Nous suivons votre canicule, nous recevons vos messages sur l’impossibilité de dormir, les classes suspendues parce qu’il est impossible d’étudier dans pareille fournaise, avec étonnement : tout cela nous paraît très exotique. Il y a aussi l’histoire des groupes à l’assemblée nationale, les esprits qui s’échauffent, les insultes échangées sur les réseaux sociaux. Pour nous deux l’affaire est claire: il faut deux groupes avec coopération et passer à autre chose rapidement. Parce qu’entre nous Macron et ce qui se met en place ce n’est pas rien, d’ici nous mesurons les dangers de guerre, mais aussi un espèce de fascisme planétaire visant à éliminer les canards boiteux, les inadaptés à la concurrence farouche entre êtres humains. Ce qui règne ici, un capitalisme sans entrave. Mais c’est comme la canicule, difficile à comprendre tant qu’on y est pas.

Ziouganov a dit: 80% des terres russes sont en friche

Nous ne savons que peu de choses en définitive de ce qu’est le Tatarstan et encore moins l’ex-URSS. Marianne en allant à Samara a entrevu une autre réalité et m’en fait part. C’est ce que nous avions déjà découvert en Crimée. Le désastre laissé dans les campagnes par la disparition de l’agriculture collectiviste. Sur des terres jadis fertiles et cultivées tout est désormais à l’abandon. Il suffit, comme elle l’a fait de prendre le car pour 8 heures de trajet vers une autre république pour à quarante kilomètre de Kazan voir surgir un autre monde, des routes plutôt mal entretenues et des publications locales qui proposent des prêts à des taux usuriers, on achète aux femmes leurs cheveux et à Kazan la pimpante succède un monde qui glisse vers le sous-développement. Plus d’école, plus de services sanitaires. Les jeunes quittent ce monde et la vieillesse de la population redouble le sous-développement. Il y a encore de la tendresse, de l’attention aux autres, plus que chez nous. Marianne me décrit cette vieille tatare qui s’est fait arrêter au bord du chemin dans une sorte de no man’s land, on devait venir la chercher et il n’y a personne. Une femme russe s’en inquiète, elle ne parle pas tatar, une autre sert d’interprète, elles empêchent le car de repartir tant que le sort de cette pauvre vieille n’est pas résolu, tout le monde d’ailleurs est d’accord, on ne peut pas l’abandonner. On multiplie les coups de téléphone jusque ce que l’affaire soit résolue et que les enfants enfin arrivés récupèrent la babouchka. Pour le moment les solidarités traditionnelles et déjà confessionnelles suppléent à cette désertification. C’est ce qu’a très bien décrit Kochanlovski dans les nuits blanches du facteur, ce groupe humain perdu dans l’espace immense de lacs et de forêts de bouleaux qui survit et dans lequel le facteur sert de lien, et poursuit à sa manière un monde soviétique disparu. Un service public défunt, des écoles vides où il croit entendre les chants joyeux des écoliers de jadis. Mais ce qu’on perçoit peut être encore plus terrible, une partie des plus pauvres glisse dans le retour à une sorte d’état sauvage, se nourrit de baies et élève poules et lapins, quelques tentatives de vente à la ville voisine. A Samara, les communistes ont tenté de recréer des formes d’élevage collectif, du poulet, de qualité aux normes biologiques comme dans l’ancienne URSS. Mais vu le niveau des salaires de la population des villes, ils n’ont pas pu faire face à la concurrence des produits exportés du monde entier et ils viennent de fermer. Face aux sanctions des occidentaux le gouvernement a lancé une politique de distribution des terres en particulier en Sibérie, mais si les communistes approuvent l’idée, ils jugent à juste raison que cette initiative supposerait une politique planificatrice globale de leur installation qui fait cruellement défaut. Seuls les Chinois pourraient répondre aujourd’hui à un tel défi. Les oligarques qui gouvernent le pays et continuent à le dépecer ne veulent pas de cette surveillance de l’Etat à la mode chinoise, la volonté d’indépendance de Poutine trouve ici ses limites et la corruption qui gangrène tous ceux qui peuvent monnayer une petite part de leur autorité prend des allures folles. A Moscou, le secrétaire du parti avec qui nous discutons nous cite à titre d’anecdote le fait que pour avoir une plaque d’immatriculation de sa voiture à trois chiffres identiques il faut verser un pot de vin équivalent au prix d’une voiture de luxe étrangère, mais cela vous garantit la bienveillance à tous les contrôles de police. Alors que la loi est sensée rester égalitaire par mille et une initiative de ce type des mafias se sont créées autour du pactole et les inégalités sont chaque jour plus profondes.

Pym que nous interrogeons sur la question des campagnes, nous dit que c’est peut-être pire que cette désertification évidente. Il nous décrit une scène qui l’a profondément marqué, c’était le jour de la fête des morts dans laquelle les familles ont coutume de porter de la nourriture sur les tombes. Il a vu le soir tombant des hordes misérables de vieillards, femmes et enfants venir récupérer la nourriture…

Ziouganov, le secrétaire du KPRF  me dit Marianne, a des idées qui sont comme des leitmotivs sur lesquelles il brode d’une manière différente dans ses discours, mais qui sont récurrentes, l’une d’entre elle est que 80% des terres russes sont désormais en friche, en allant à Samara je me suis aperçue qu’il disait vrai.

De la popularité de Staline et de la lutte contre la corruption

L’ère Poutine a un peu amélioré ce drame des années Elstine que tout le monde hait comme Gorbatchev. On voit plus de jeunes enfants, moins d’ivrognes. Poutine est le moins pire et soit on vote pour lui, soit l’abstention s’étend dans un monde qui perd l’espoir de retrouver la douceur des années disparues. Dans une telle vision, la popularité de Staline s’étend parce que lui seul aurait été capable d’en finir avec ce qui se passe aujourd’hui. Marianne explique  encore à un chauffeur de taxi qu’en occident on compare Staline à Hitler et Poutine serait sa réincarnation. Il ne relève même pas la comparaison Hitler Staline tant elle lui parait absurde mais il proteste: « Non Poutine n’est pas Staline. Staline aurait fusillé tous ces pillards impitoyablement, Poutine les laisse faire ».

Le parti communiste est-il encore communiste puisqu’il n’est pas capable de faire comme Staline? on peut en douter. Mais nous y reviendrons. En tous les cas sa popularité et celle de Lénine reste incontestable. A Samara, le pouvoir soviétique avait fait construire un bunker sous terre si jamais Moscou était prise par les armées allemandes. Marianne est allée le visiter avec des camarades du KRPF, beaucoup mieux implantés ici que dans le Tartastan voisin où ils ont subi la défaite électorale que nous avons décrite par suite de la colère du monde ouvrier de cette république. Non seulement ils nous attendaient toutes les deux mais ils avaient préparé un programme de visites et discussion. C’est une joie pour eux de voir venir des camarades de France, ce pays qu’ils admirent et dont ils rêvent. Donc Marianne a été conduite dans le bunker où un guide enthousiaste a expliqué non seulement toute l’épopée de la deuxième guerre mondiale mais aussi les raisons pour lesquelles, selon lui, Khrouchtchev haïssait Staline. Le fils de Khrouchtchev faisait partie de la jeunesse dorée et s’amusait à des jeux stupides en l’occurrence, il se prenait pour Guillaume Tell. Malheureusement en visant la pomme, il avait tué un officier. Arrêté et jugé, il devait être envoyé au point le plus périlleux du front celui dont on ne revenait pas. Khrouchtchev avait supplié, il s’était mis à genoux. Staline qui on le sait avait refusé de sauver son propre fils, l’avait repoussé et Khrouchtchev n’avait jamais revu son enfant. Marianne a demandé d’où le guide tenait l’anecdote, de quels écrits, quel historien et le guide de répondre « C’est ce que l’on s’est passé de bouche à oreille quand on a voulu nous inventer un Staline dictateur et massacreur du peuple ». Il est vrai qu’il y a eu une sorte de résistance secrète. Les statues de Lénine sont encore en place, mais celles de Staline ont disparu en 1956. Dans les années soixante et dix, Marianne jeune étudiante en Russe se souvient de cet étudiant qui avait ouvert un tiroir et montré furtivement un portrait de Staline caché là. Le culte secret connait désormais un regain de popularité. Sans parler des masses de touristes chinois qui font des circuits à thèmes et se ruent dans les magasins de souvenirs sur les portraits de Lénine et de Staline. D’ailleurs partout, des pancartes indiquent en chinois que les souvenirs sont « soviétiques ».

A Kazan, les chauffeurs de taxis restent une mine d’information. Certains sont des ingénieurs qualifiés, l’un d’eux excédé vient de quitter l’administration, il explique que le nouveau pouvoir a mis en place son propre système administratif. Il double tous les agents compétents de l’ancien système soviétique vieillissant par ses propres créatures, ces gens-là sont payés le double, ils ne savent rien faire d’autre qu’organiser un système de perception d’avantages autour du pouvoir et son clan de pillards. Si quelqu’un est trop honnête et ne veut pas participer aux affaires, il est viré, à tous les niveaux. Les anciens hérités du système soviétique continuent à faire le travail à la manière du facteur des nuits blanches tout en étant sous-payés et ils doivent avoir plusieurs boulots, dépasser l’âge de la retraite en restant là. Les communistes incarnent trop souvent la nostalgie impuissante de ce monde en train de disparaître et que la jeunesse n’a même plus le temps d’évoquer, tant elle est occupée à tenter de faire sa place dans la dureté des temps nouveaux où tout s’achète et tout se vend.

Et la question de la propriété collective des moyens de production dans tout ça?

Ce qui est extraordinaire c’est à quel point la question de la corruption est posée en termes moraux, comme d’ailleurs l’image de l’Union soviétique, en termes culturels aussi, un monde digne, sans vulgarité et de fraternité entre les individus, les peuples, les âges et les casses sociales, paysans, ouvriers intellectuels, mais jamais il n’est question des privatisations, ni de la propriété collective des moyens de production, du fait que la privatisation a peut-être été le grand facteur de cette corruption. Non ce sont au contraire « les fonctionnaires » qui sont les coupables. Parfois comme dans le conflit des chauffeurs routiers à qui l’on impose une taxe collectée par un oligarque apparaît la responsabilité des ces oligarques, du capitalisme.

Enfin pour clore notre séjour au Tatarstan, nous avons revu notre jeune journaliste tatar, il fait un article sur nous. Il était déçu que nous n’ayions pas pu rencontrer le groupe de jeunes qui ont choisi de contester le système par l’écologie, qui parlent toutes les langues et s’intéressent à l’histoire de leur pays, à l’Union soviétique comme à bien d’autres choses. Nous avons décidé de continuer le dialogue et de publier sur notre blog la traduction de ses propres réflexions. C’est si dur de se comprendre entre gens qui parlent la même langue, sont dans le même pays, alors entre nous il faut beaucoup de patience, rectifier les incompréhensions, nous dit-il. Il nous a donné rendez-vous dans un parc et il repart en vélo. Cela dit quand je lui demande pourquoi poser toujours la question du positif de l’Union soviétique en terme moraux et culturels et jamais à partir des privatisations, de la fin de la propriété collective des moyens de production,il me regarde étonné et me dit « je vais y réfléchir »… j’attends le résultat de ses réflexions.

Enfin, la veille et le jour du départ nous rencontrerons les deux seules personnes qui affirment que c’est mieux maintenant et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Deux adeptes du capitalisme ?

Le premier est un notre dernier chauffeur de taxi. Il a la soixantaine. A notre question sur ce qu’il préfère aujourd’hui ou l’Union soviétique, il nous répond que la vie a passé si vite qu’il n’y a rien compris. Il a travaillé d’abord comme chauffeur de bus pour nourrir sa famille, puis maintenant comme chauffeur de taxi. Il avait été élevé dans un kolkhoze proche. Tout va bien, il gagne bien sa vie et il y a de tout dans les magasins. Il ne se plaint pas. Mais quelque chose me pousse à poursuivre l’interrogatoire et je lui demande s’il a des enfants. Et là le masque tombe, la souffrance est là. Son fils vit chez lui, il n’a pas de travail, il vit de petits trafics, c’est lui qui l’entretient. Il a fait une école d’art, mais il ne trouve rien en accord avec sa formation. Du temps de l’Union soviétique, on faisait des études et après on vous envoyait dans un poste parfois loin de chez vous, mais il y avait pratiquement immédiatement les moyens de fonder une famille. Aujourd’hui c’est l’insécurité et les jeunes ne veulent plus les travaux pénibles, comme chauffeur de bus, ce sont les gens venus des anciennes républiques qui font le travail. Russes et Tatars n’en veulent plus. Et de là toute l’incompréhension, la douleur même remonte à la surface: pourquoi ont-ils détruit l’Union soviétique, cela ne marchait pas si mal… est-ce que Gorbatchov l’a fait exprès ou est-ce que c’était un imbécile? Elstine tout le monde le sait était un alcoolique… Pourquoi? Je lui demande pourquoi alors il nous avait dit que tout allait bien. Il se tait un instant puis il avoue: « je suis un patriote… J’aime mon pays… est-ce que je vais en dire du mal  à des étrangères?  » et il ajoute » Poutine est un homme bien. Il reconquiert l’Union soviétique morceau par morceau, il a recréé l’ordre. Il y en a qui disent du mal de lui ». J’avais senti dans cet homme simple qui n’avait pas vu le temps passer ce que je connais du monde ouvrier et de ce que je ressentais face au soviétique jadis. Cette soif de dignité qui passe aussi par le patriotisme, le refus de dire du mal de ce qui a coûté dans l’effort. Pas la peur de dire la vérité, non, la volonté de vous faire respecter leur pays, eux-mêmes.

Mais le dernier personnage que nous avons rencontré était un jeune homme lui sincèrement convaincu des bienfaits du capitalisme. Il s’agissait du jeune couple auquel nous avions loué leur appartement et qui le loue aux touristes de passage, par ailleurs il vend du matériel électronique qu’il va acheter au Vietnam et en Azerbaïdjian. En apprenant que nous allions commander un taxi pour l’aéroport, il s’est proposé si nous lui donnions le prix de la course, 500 roubles. La professeur de tatar de Marianne qui elle était musulmane très pratiquante et faisait le ramadan, l’avait mise en garde : « ne lui faites pas confiance, il ne viendra pas! » Elle s’était trompée, il était là à l’heure dite. Sur le trajet il avait mis à tue tête la musique américaine et pas de meilleure qualité. Marianne pour ne pas le vexer lui avait demandé s’il ne pouvait mettre de la musique tatare. Il avait obtempéré mais dénoncé le fait que cette musique était restée figée, incapable d’évoluer… Et bien que tatar lui-même s’était mis à chantonner en se moquant « Tout le monde peut faire ça! » Quant à l’Union soviétique, il y était né. Il avait même été octobriste en rentrant à l’école maternelle, c’était juste avant les pionniers. Dans sa belle-famille, il y avait les tantes de sa femme plus âgées qui avec la perestroïka, la désorganisation générale n’avaient jamais pu trouver un travail en accord avec leurs compétences y compris aujourd’hui. Mais lui heureusement il avait pu profiter des occasions. Par exemple l’appartement, jadis en Union soviétique on ne pouvait pas vendre mais échanger. Avec la fin du socialisme, tout a été possible. Il a hérité de son grand-père un studio qu’il a vendu. Il s’est marié, ils avaient deux voitures, il en a vendu une et avec la somme totale plus des prêts de leurs parents il a acquis cet appartement. Il le met en location, va vivre chez ses parents et agrandit son pécule, développe son commerce. Il est très content et ne voudrait pour rien au monde revenir au système antérieur. Je l’interroge sur la situation dans les campagnes. Il reconnaît que peut-être ça s’est un peu dégradé, mais c’est plus authentique qu’avant, on recrée le folklore tatare, d’ailleurs c’est dommage que vous ne restiez pas jusqu’au premier juillet, il y a la fête du repos entre deux périodes de travaux agricoles, on mange, on danse, les hommes luttent et celui qui gagne reçoit un mouton.puis comme il est profondément honnête et qu’à cete manière des russes, il réflchit pour essayer de vraient vous satisfaire, il ajoute « oui c’est vrai que ce n’est pas très bien, mais c’est pire chez les voisins Chouvases ».

En le quittant Marianne me dit: en voilà un au moins qui nage dans le bonheur. Et elle ajoute: « Est-ce que le fait d’avoir vécu sous une période ou une autre de l’Union soviétique n’a pas joué un rôle? Lui et ses belles-soeurs, visiblement n’ont connu que le désastre de la perestroïka, alors que notre chauffeur de la veille lui avait 60 ans et avait connu tout autre chose. Cette remarque est très importante. Je pense toujours que si l’on devait faire une étude de l’Union soviétique il faudrait faire une analyse des statistiques de mobilité sociale. La formidable transformation d’un peuple durant la marche forcée stalinienne, les opportunités offertes à un peuple de moujiks arriérés. La formation d’une grande classe moyenne, quel rôle joue-t-elle dans la chute de l’Union soviétique? Aujourd’hui une partie, la plus importante de celle-ci est menacée de déclassement. Non seulement la paysannerie, la classe ouvrière mais aussi une bonne partie des enseignants, personnels de santé et autres. Non seulement leurs conditions se dégradent et le fossé se creuse entre le recteur et les professeurs d’université, mais c’est leurs enfants qui sont les plus menacés dans leur avenir. Il faut qu’ils jouissent d’un important capital pour ne pas déchoir, capital argent, patrimoine acquis dans la vente des biens d’Etat, mais aussi capital culture dirait Bourdieu et également capital relationnel, participation à des mafias. Il faudrait voir tout cela, un peu à la manière des travaux de Louis Chauvel sur la crise des couches moyennes en occident. Il faudrait également tenir compte comme le suggère Marianne de la période de l’Union soviétique vécue par chacun. Je me prends à rêver d’une enquête pour laquelle je n’ai ni le temps, ni les moyens.

Marianne me dit, en fait les médias, le pouvoir ne cessent de répéter à la jeunesse qu’il faut se bouger et que ce sont les meilleurs, les plus travailleurs, les plus intelligents qui réussissent. Comment résister, quand on a la moindre petite réussite, à ne pas se sentir heureux de faire partie de l’élite des capacités? Tiens ça me rappelle quelque chose du côté de Macron?

L’Allemagne nous réserverait-elle des surprises? Et les hommes d’affaire chinois?

En  attendant l’avion, Marianne se repose, mais je commence une conversation en anglais avec un allemand venu de Stuttgart en famille. C’est fou ce qu’il y a comme Allemands ici, des Allemands et des Chinois. Si ceux-ci sont venus revivre en groupe les grandes heures de l’Union soviétique (il y a aussi des Vietnamiens), les Allemands sont là en famille pour faire des affaires probablement.

Celui-ci parle aussi mal l’anglais que moi, mais nous nous comprenons en mélangeant allemand et anglais. Il me dit que Merkel et Macron sont deux fous ensemble. Il en a après leur politique migratoire et il explique qu’en Allemagne il entre 6000 migrants par jour et que ces gens veulent nous tuer. Que l’Allemagne va se réveiller quand il sera trop tard et qu’ils seront tous égorgés. Il faut les refouler et tuer les terroristes. J’ai un haut le coeur. Je lui explique que je suis juive et que son discours prononcé en d’autres temps a conduit 18 membres de ma famille dans les camps de la mort. Il hausse les épaules et me dit ! « Mais bien sûr personne ne veut des nazis, il y a 1% de ces dégénérés en Allemagne »… En fait ce qu’il veut c’est qu’on limite l’Europe à l’Allemagne, la France, l’Italie, les pays fondateurs » Comme je proteste que tout cela et bel et bon mais que ce qui nous tue est l’euro, parce que notre économie est alignée sur l’Allemagne, alors que celle-ci à une industrialisation beaucoup plus performante, il est d’accord pour supprimer l’euro et pour retrouver une monnaie commune virtuelle comparable à l’écu… On croirait le programme de la section économique du PCF. Cette discussion avec un homme dont je ne sais toujours pas si c’est un  fasciste, un disciple de Jacques Sapir mâtiné de quelques  traits empruntés à Boccara ou Dimicoli, l’unté de tous les contraires, achève de contribuer à l’impression de confusion généralisée. La seule constante entre tout ce kaléidoscope est qu’il n’est toujours pas question d’expropriation du capital, de planification et de collectivisation des moyens de production, le tout sous la référence enthousiaste à Staline qui tout de même était un adepte forcené de la chose.

Marianne corrige: non à Samara, il y avait un député du KPRF qui intervenait tout le temps dans la discussion et empêchait les autres de parler. Comme nous étions nombreux, il bloquait les autres et il ne cessait de répéter: à un moment il y a eu la collectivisation des moyens de propriété, et il y a la fin de la propriété collective des moyens de production à un autre moment c’est aussi simple que ça. Comme quoi on peut être parfaitement envahissant, sentencieux, excéder les autres et avoir raison. Oui c’est vrai il y en avait beaucoup jadis au PCF et souvent il m’arrive vraiment de les regretter.

Et elle ajoute pour finir de nous achever dans nos illusions : et il n’y a pas que les hommes d’affaire allemands… Ne crois pas que les Chinois soient simplement ces gentils touristes naïfs partis à l’assaut des souvenirs de la grande guerre patriotiques, qui raflent tous les bustes de Lénine et Staline qui leur tombent sous la main, il y a des franches fripouilles. L’autre jour elle allait à la rencontre des collègues du centre de relations internationales et elle a vu sur un banc, un gros chinois dans un jogging vert olive et bleu particulièrement peu élégant et aussi avachi que son propriétaire; il parlait très fort et en chinois sur son portable croyant que personne ne comprenait et il expliquait les occasions de faire du business ici ou à Moscou. Il avait un fort accent du nord, de la Mandchourie et truffait son discours de paroles vulgaires. Tout y passait les conditions climatiques, le logement, les transports et là il y a eu l’occasion de l’état de la population:   «Les Russes sont naïfs, ils n’ont pas l’habitude, comme les occidentaux les méprisent et les traitent mal et qu’il n’y a plus que nous de gentils avec eux, ils espèrent en nous… »

Marianne qui a vécu en Chine, a une famille chinoise et déteste que l’on méprise les Chinois, me dit celui-là était de la catégorie puante, immonde comme le choix disons de la « NEP » en a produit, « l’homme d’affaire » et il ne ferait qu’une bouchée de notre petit logeur prêt à faire le taxi, à aller habiter chez ses parents en pensant « le capitalisme c’est formidable ». Le communisme chinois a jeté ses petits tigres avides sur le capitalisme occidental, ce grand tigre de papier monnaie, mais aussi sur ces pauvres Russes qui n’en finissent pas de se demander comment tout cela leur est arrivé.

Quel foutu bordel… j’aime de plus en plus les Russes y compris ceux qui se prennent pour des petits gagneurs et qui sont prêts à perdre une heure pour empêcher une vieille Tatare de se retrouver seule dans un no mans’s land… Mais je me demande si nous sommes eux et moi bien adaptés, peut-être un Josph Staline… tiens ça me gagne moi aussi.

 

Danielle Bleitrach

27/05/2022

So ist das Leben

Simone de Beauvoir :

Un livre que je conseille vivement: "Mémoires d'une Jeune Fille rangée" de Simone de Beauvoir (née un 9 janvier) Très humain et intéressant, passionnant et qui fait plus d'une fois réfléchir.

Et il y aurait plein de choses à citer.
Dès les premières pages ça commence très fort:
"En moi-même je protestais "Les adultes ne savent rien de nous !" "
"je me promis, lorsque je serai grande, de ne pas oublier qu'on est à cinq ans un individu complet. Ce que niaient les adultes."
Qu'est-ce qu'elle a raison!

allez ! je ne résiste pas au plaisir d'encore une:
"Les noisetiers murmuraient et je comprenais leur oracle; j'étais attendue: par moi-même. Ruisselante de lumière, le monde couché à mes pieds comme un grand animal familier, je souriais à l'adolescente qui demain mourrait et ressusciterait dans ma gloire : aucune vie aucun instant d'aucune vie ne saurait tenir les promesses dont j'affolais mon coeur crédule".

So ist das Leben...

 

 

et bien sûr, bien sûr,
il y a :

"Je fis une autre découverte. Un après-midi à Paris, je réalisais que j'étais condamnée à mort. Il n'y avait personne d'autre que moi dans l'appartement et je ne refrénai pas mon désespoir; j'ai crié, j'ai griffé la moquette rouge. Et quand je me relevai, hébétée, je me demandai: "comment les autres gens font-ils? Comment ferai-je?" Il me semblait impossible de vivre toute ma vie le coeur tordu par l'horreur. Quand la déchéance s'approche, me disais-je, quand on a déjà trente ans, quarante ans et qu'on pense: "c'est pour demain", comment le supporte-t-on?"!!!

 

pour ceux qui ne comprennent pas l'horreur du néant, de l'absence,
"jai raconté ailleurs comment, à Mérignac, je contemplai stupidement  un vieux veston abandonné sur le dossier d'une chaise. j'essayai de dire à sa place : " Je suis un vieux veston fatigué." C'était impossible et la panique me  prit.  Dans les siècles révolus,  dans le silence des êtres inanimés je pressentais la vérité, fallacieusement conjurée, de ma  mort."

Simone de Beauvoir n'avais pas oublié que c'est quand on est enfant , ou plus rarement adolescent, qu'un est CONSCIENT, de la vérité des choses de sa perception, et qu'on est capables de sentir et de réagir, alors que les adultes sont aveugles à tout, pantins  complétement vidés de toute capacité, de toute conscience vraie et du concret.

et pour percevoir les mensonges du pouvoir et leur manipulation là aussi ils sont plus perspicaces que les adultes, exemple :

https://reseauinternational.net/qui-repondra-a-nos-questions/

« Dans tout projet je voyais une fuite, dans le travail un divertissement aussi futile qu’un autre. Un jeune héros de Mauriac considérait ses amitiés comme des « branches » qui le soutenaient précairement au-dessus au-dessus du néant. ….. ce rien qui ronge tout ….. seul le silence de M. Teste me semblait exprimer dignement l’absolu désespoir humain. … L’attitude la plus franche, somme toute, c’était de se supprimer ; j’en convenais ; je ne songeai cependant pas à y recourir : j’avais bien trop peur de la mort. Seule à la maison il m’arrivait de me débattre comme à quinze ans ; tremblante, les mains moites je criais, égarée : « Je ne vaux pas mourir ! » (Simone de Beauvoir, née un 9 janvier)



 

25/05/2022

Raymond Quenaud

peu connu peu reconnu, considéré comme un fantaisiste, donc pas sérieux (au contraire il a abondamment montré, comme son contemporain Jean Tardieu d'ailleurs,  qu'on peut être  en même temps fantaisiste et d'une grande profondeur), Raymond Quenau a l'air de rien distillé plein de grandes vérités. Commençons par sa définition de la poésie :

Raymond Queneau – Un poème

Bien placés bien choisis
quelques mots font une poésie
les mots il suffit qu’on les aime
pour écrire un poème
on ne sait pas toujours ce qu’on dit
lorsque naît la poésie
faut ensuite rechercher le thème
pour intituler le poème
mais d’autres fois on pleure on rit
en écrivant la poésie
ça a toujours kékchose d’extrème
un poème

Raymond Queneau (1903-1976 )

 

Réfléchisez ! c'est tout vrai !

20/05/2022

Le détail - bis repetita

Vous savez, dès fois dans des textes qu'on lit, comme ça, il y a un tout petit détail, qu'en général on ne remarque même pas, ou alors longtemps après, et qui est plein d'enseignements, et de poids.
(Un exemple ce fut http://miiraslimake.hautetfort.com/archive/2015/05/15/le-...
)

Je viens d'en remarquer un, à la deuxième lecture !

C'est dans un article de Danielle Bleitrach https://histoireetsociete.wordpress.com/2016/07/29/bydgos... sur son voyage en Pologne. Donc à un moment il est dit :

"Monika contemple le paysage de la vitre baissée du train et crie de bonheur : "j'en ai marre de ces films en noir et blanc" ..." etc

(nb : maintenant ce passage se trouve dans un livre, à la page 22 ! http://editionsdelga.fr/produit/3232/ )

Vous n'avez rien remarqué ? Rien qui vous a frappés, oh tristes contemporains de notre triste époque? Non ?

En Pologne on peut encore baisser les vitres des trains !

heureux polonais ! qui ont encore une vie normale, pour combien de temps ?

http://miiraslimake.over-blog.com/article-1504998.html

 

19/05/2022

un jardin moussu est bien plus beau qu'une pelouse !

les auteurs du XVIIIè siècle, qui savaient bien mieux que les gens de maintenant apprécier la nature, n'imaginaient pas un jardin sans  mousse.
Les japonais font des jardins faits rien que de mousses.
La mousse est un enchantement (et a en plus des vertus pratiques, lisez plus bas), c'est avec une stupéfaction mêlée d'horreur que j'apprends que certains mettent exprès des produits pour la tuer ! c'est fou ! c'est l'inverse qu'on devrait faire !

 

Les avantages de la mousse :
Elle se contente de très peu de lumière et d’un sol compact piétiné.
Elle attire de nombreux oiseaux qui l'utilisent pour réaliser leurs nids et plus particulièrement les mésanges, chardonnerets, troglodytes, merles, moineaux, rouge gorge, rouge queue etc.
La mousse sur les troncs d’arbres abrite les parasites mais en le même temps elle fournit aussi un couvert aux prédateurs.
Elle protège l’écorce contre les intempéries (le gel ou à la grêle).
Elle tapisse les vieilles pierres exposées à l’ombre. Elle crée un lien harmonieux entre le naturel et l’artificiel comme par exemple un bloc de ciment.
Elle supporte de longues périodes de sécheresse et repousse dès que l’humidité augmente.

Et puis c'est beau

Dans la nouvelle tragédie qui s'abat sur l'Europe c'est à mon avis la pire des constatations que cette veulerie des populations occidentales

http://alawata-rebellion.blogspot.com/2022/05/la-1ere-defaite-dazov-ne-doit-pas-etre.html

 

les innombrables morts, "euthanasies" au rivotril, suicides, handicapés à vie, clochardisés, ruinés, avilis par la révélation de leur lâchetés et ou de leur âme de nazis, solitudes de (et bien sûr cette   immense tragédie, c'est d'abord la PLANDEMIE covidiste, et le fascisme 2.0 (lisez deux point zro, comme pour les versions de programmes informatiques) et tout ce qu'elle a servi à introduire !  et les projets dessières de la clique de Davos et ses Young world Leaders, les innombrables morts, "euthanasies" au rivotril, suicides, handicapés à vie, clochardisés, ruinés, avilis par la révélation de leur lâchetés et ou de leur âme de nazis, solitudes de ceux qui ont découvert que leurs proches ou leurs amis n'étaient en fait que de viles ordures et se retrouvent seuls, etc, etc

Et ce qui avait commencé avant, la barbare répression des gilets jaunes, la destruction de toutes les lois sociales et des institutions de la république, transformée en dictature de la fraude du mensonge et du totalitarisme, la corruption et la pillage de tous les biens de la nation par une clique mafieuse d'affairistes capitalistes.

Et (c'est peut-être le seul espoir qui nous reste) le nazisme 1.0 (lisez un point zéro, c'est à dire le nazisme du genre des années 30, hitler et tout ça,le salut hitlérien en guise de masque sanitaire, la carte de membre du NSDAP en guise de pass vaccinal, et l'ordonnance du 8 juillet 1942 ...), qui est l'enjeu de la guerre en Ukraine, s'il est vaincu, et l'OTAN et nos économies avec, entrainera-t-il dans sa chute l'horrible et planétaire fascisme 2.0 de la 5G, et de la PLANDEMIE covidiste ? Alors la Russie nous aura sauvés une deuxième fois, après 44.

17/05/2022

" - Voilà le plus heureux moment du monde" Et peut-être était-ce vrai

un extrait de "treize à la douzaine" l'autobiographie de Ernestine et Frank Gilberth sur leur famille nombreuse.

"Souvent, quand nous roulions, nous chantions à trois ou quatre voix et Papa et Maman nous accompagnaient, elle en soprano, lui en basse-taille. Les vieux airs populaires se succédaient.
- Qu'est-ce que des enfants ne peuvent pas faire à eux tout seuls ! pensions-nous.
Papa se renversait sur le dossier du siège et mettait son chapeau de travers. Maman se blotissait contre lui comme si elle avait froid. Les bébés s'étaient endormis. Maman se tournait vers nous entre deux chansons, et nous disait :
- Voilà le plus heureux moment du monde.
Et peut-être était-ce vrai."

 

12/05/2022

Whom shall i meet to ease my pain ?

 

Wanderings

While wandering around today again,
Whom shall I meet to ease my pain,
To fill my lonely, lonely heart

Across meadows, along rivers I go,
Searching for a thing of beauty,
A joy for ever
As the young poet said long ago.

Where would he find this treasure now ?

 

Claire Bougain

10/05/2022

vous avez dit "espèces invasives ?"

Avant de vous faire lire la discussion théorique et critique du problème, voici quelques exemples, tirés de cette Europe, dont TOUTES les espèces, arrivées après le dégel de la dernière GLACIATION (quand la banquise déscendait jusqu'à Dunkerque, et que chez nous à part des lichens et des rhinocéros laineux il n'y avait pas grand chose ! 

Les moineaux ainsi sont une “espèce invasive”, si vous êtes allés en Egypte vous aurez pu constater qu’on en entend partout dans les ruines antiques, les moineaux sont des oiseaux des déserts, qui vivent là où il y a des falaises rocheuses, où ils nichent dans les trous de rochers. Alors ! Forcément, lorsque les humains se sont mis à construire des villes, les maisons leur ont fourni des falaises artificielles, et les villes (sans arbres jusqu’à une époque récente) se sont peuplées de moineaux, au point qu’aux yeux des citadins coupés de la nature, “oiseaux” se réduisait à “moineaux”!

Pareil par exemple pour les cochevis huppés, ce sont aussi des oiseaux des déserts (Ouzbékistan par exemple je m’en souviens) et ils avaient trouvé dans nos routes de terre battue ou de pavés des déserts acceuillants ! Et se régalaient des crottins des chevaux. Maintenant les chevaux ont disparus, et d’ailleurs si jamais, à l’occasion d’une fête-investissement touristique, un cheval se permettait de laisser tomber un crottin, il est tout de suite ramassé, si on pouvait on mettrait un sac aux culs des chevaux, pour pas que les bourgeois anarchistes se mettent à pousser des cris et à porter plainte !

https://journals.openedition.org/etudesrurales/9172

À PROPOS DES INTRODUCTIONS D’ESPÈCES - ÉCOLOGIE ET IDÉOLOGIES

on commence à réévaluer les "écolos" déjà Bernard Charbonneau qui avait toujours refusé de se réclamer de  l"écologie" car il en voyait trop bien les potentialités totalitaires, et puis le PS a amplement montré comment la corruption peut rendre les partis  l'exact INVERSE de ceux qu'ils sont censés être, (et puis le premier pays à prendre des mesures écologistes fut l'Allemagne nazie, il ne faut pas l'oublier, et les fascistes se réclamaient souvent des "lois de la nature" !)

voyez : LES ECOLOGISTES DEMASQUES !!! https://www.upr.fr/actualite/eelv-exigeons-ensemble-les-v...

Maintenant, il (Jadot) vient de réclamer que le vaccin potentiel contre la Covid-19 soit rendu OBLIGATOIRE pour tous les Français ! Peu importe ce qu’il y aura dans ce vaccin ! C’est cohérent : il est lui aussi probablement inféodé au puissant lobby des laboratoires pharmaceutiques. Sinon sur quel fondement se déclarerait-il en faveur d’une telle obligation ? Est-il spécialiste des maladies infectieuses ?

2010 Christian Lévêque, Jean-Claude Mounolou, Alain Pavé et Claudine Schmidt-Lainé

L’ÉCOLOGIE, EN TANT QUE SCIENCE, s’était fixé comme objectif de rechercher un ordre dans la nature. Ce qui suppose implicitement que la nature est ordonnée, tout au moins au sens où l’entendent les sciences physiques. Et si nous nous étions trompés de concept fondateur ? Le monde vivant n’est-il pas d’abord le domaine du hasard, du conjoncturel, de l’opportunité, de l’aléatoire ?

2En battant en brèche le déterminisme qui rend plus aisée l’élaboration de prédictions et de programmes, le hasard gêne les institutionnels et les institutions. Il fait même peur alors qu’il ouvre, au contraire, des espaces de liberté et de créativité. Dans ce contexte, la question des espèces « invasives » qui se développent de manière inopinée sans que l’on puisse en cerner les causes bouscule nos représentations d’une nature ordonnée, ouvre le champ de l’incertitude, et dérange sans aucun doute.

3Les scientifiques, à juste titre, dénoncent le créationnisme et le dessein intelligent. Ces idéologies ne sont, somme toute, que la persistance d’une idée bien ancrée dans les esprits aux XVIIe et XVIIIe siècles, selon laquelle la nature, créée par Dieu, est nécessairement harmonieuse et immuable (le fameux « balance of nature » des Anglo-Saxons).

4Lorsqu’on s’interroge sur les fondements historiques de l’écologie scientifique, on découvre que certains concepts, sous des formes nuancées, sont toujours porteurs de cette idéologie. Bien sûr, la science est affaire de société. Les connaissances construites l’ont été en réponse à des questions posées dans des contextes idéologiques évolutifs. Et les questions d’aujourd’hui, comme les démarches de recherche, sont nécessairement marquées du présent philosophique, social et économique. Néanmoins, l’idée d’une nature immuable, certes désacralisée, reste encore vivace. On continue à parler d’équilibre et de stabilité des écosystèmes ainsi que de climax avec, en contrepoint, l’idée que les perturbations d’origine anthropique créent des déséquilibres.

5On rappelle en permanence la culpabilité de l’homme vis-à-vis de la nature, ce qui n’est pas sans évoquer le mythe du péché. Or, les recherches en écologie rétrospective nous ont appris, quant à elles, que les écosystèmes n’ont jamais cessé de se transformer et que la biodiversité est avant tout le produit du changement, non du statu quo [Lévêque 2008b].

6Les paradigmes évoluent. Mais les milieux médiatiques, politiques, associatifs et scientifiques ne se les approprient pas au même rythme. Et le terrain des introductions d’espèces est particulièrement propice aux débats et aux confrontations intellectuelles car la revendication de préserver la nature « en l’état » y est exprimée avec une certaine véhémence par certains groupes sociaux. C’est dans ce contexte que nous nous inscrivons, en réaction à cette attitude « conservatrice ».

7Les introductions d’espèces et leur prolifération ont en effet mauvaise réputation dans les milieux écologistes et conservationnistes. Que reproche-t-on à ces espèces « invasives » ?

[D’être] des espèces [... ] qui bouleversent l’équilibre des milieux naturels, entrent en compétition avec les espèces autochtones et, parfois, les dominent jusqu’à les faire disparaître.

8Selon le site web de l’ONF, les introductions d’espèces sont aujourd’hui considérées comme la deuxième cause mondiale de l’érosion de la biodiversité. De même peut-on lire sur le site « Plein Sud » de l’Université Paris-Sud 11 :

Les invasions biologiques sont considérées comme la seconde plus importante menace pesant sur la biodiversité, juste après la perturbation des habitats.

[je pense que Soral, Zemmour et Hitler seraient d’accord là-dessus!]

9Ces discours alarmistes sont repris de manière générale par presque toutes les ONG ou associations de conservation de la nature. Mais, depuis quelques années, plusieurs voix s’élèvent pour remettre en cause ce discours manichéen. Les travaux récents [Theodoropoulos 2003 ; Rémy et Beck 2008] montrent en effet que les représentations des scientifiques et du public dans le domaine de la biologie des invasions ne sont pas exemptes d’idéologie et reposent en partie sur des paradigmes écologiques discutables.

10Néanmoins, la mise en accusation de l’homme, considéré comme perturbateur de l’ordre naturel, reste un moyen privilégié de "communication" (nouveau terme créé pour remplacer "propagande") des ONG de protection de la nature, et le message est largement repris par les médias, à l’exemple du scénario de la sixième extinction. La peur comme moyen de culpabilisation, et donc de manipulation (eh eh ! outil très Goebbelsien, et encore utilisé actuellement n'est-ce pas !] , a longtemps été l’apanage des religions, du déluge aux péchés capitaux [Thomas 1985]. Mais, de nos jours, la peur trouve dans l’environnement un domaine profane à investir. La question des espèces invasives et celle des changements climatiques et de l’érosion de la biodiversité censés mettre en péril la survie de l’homme en sont quelques déclinaisons. Au demeurant, cette image de l’homme destructeur de la nature n’est pas dénuée de vérité – comme en témoignent la surexploitation des stocks de poissons marins [Cury et Miserey 2008] ou la destruction des forêts (et des sols ! voyez les conférences de Claude Bourguignon).

Confusion des termes « invasion », « prolifération », « pullulation »

11Un peu de sémantique n’est jamais inutile. Car les définitions d’« invasions biologiques » ou d’« espèces invasives » sont nombreuses et peuvent différer les unes des autres. Celle de F. di Castri [1990] est assez généralement admise :

Une espèce envahissante est une espèce végétale, animale ou microbienne qui colonise un nouvel environnement et y prolifère loin de son aire d’origine après avoir, la plupart du temps, été transportée par l’homme, intentionnellement ou non. [bref, comme font les immigrés à La Goutte d’Or! Après les auvergnats de Paris, ou les flamands du Nord-Pas-de-Calais]

12Mais il y a souvent un léger glissement sémantique qui conduit à des confusions. Nous vivons en effet, en Europe, dans un environnement où les espèces introduites et naturalisées sont nombreuses. La plupart restent discrètes et se font oublier, ou contribuent à agrémenter notre vie. Seules quelques-unes – tels des parasites d’huîtres ou de poissons, des vecteurs de maladies (moustiques), des espèces végétales (comme la renouée du Japon, la jacinthe d’eau), sans oublier le rat introduit partout dans le monde – se révèlent gênantes dans la mesure où elles se mettent à proliférer, suscitant des nuisances économiques, écologiques et sanitaires. Ce sont ces quelques espèces « invasives » qui nous dérangent, à juste titre, parmi l’ensemble des espèces dites exotiques.

13Là où les choses se compliquent, c’est que le discours médiatique a tendance à confondre « prolifération d’espèces » et « espèces invasives » alors que ce phénomène n’est pas une spécificité des espèces exotiques. Il est largement partagé par les espèces autochtones qui peuvent être, elles aussi, des sources importantes de nuisance. On pense par exemple aux pullulations de criquets en Afrique sahélienne, à celles des petits campagnols ravageurs des cultures en Europe, ou encore aux pullulations de méduses qui se produisent régulièrement sur nos côtes et pour lesquelles les médias n’hésitent pas à parler, à tort, d’« invasion ». Une enquête sur les proliférations végétales dans les milieux aquatiques continentaux français a mis en évidence que les plantes les plus fréquemment citées sont aussi bien autochtones qu’allochtones. Ce qui renforce l’idée que « prolifération » ne rime pas nécessairement avec « exotique » [Peltre et al. 2008]. Il n’empêche que l’amalgame ainsi fait ne peut que renforcer les préventions contre les espèces exotiques.

https://www.lemonde.fr/passeurdesciences/article/2014/02/16/qui-a-peur-des-especes-invasives_5999001_5470970.html

09/05/2022

le poème le plus fondamental de la condition humaine, hélas

(in Jacques Prévert - "Paroles")

Le désespoir est assis sur un banc

Dans un square sur un banc
Il y a un homme qui vous appelle quand on passe
Il a des binocles un vieux costumes gris
Il fume un petit ninas il est assis
Et il vous appelle quand on passe
Ou simplement il vous fait signe
Il ne faut pas le regarder
Il ne faut pas l'écouter
Il faut passer
Faire comme si on ne le voyais pas
Comme si on ne l'entendais pas
Il faut passer presser le pas
Si vous le regardez
Si vous l'écoutez
Il vous fait signe et rien ni personne
Ne peut vous empêcher d'aller vous asseoir près de lui
Alors il vous regarde et sourit
Et vous souffrez attrocement
Et l'homme continue de sourire
Et vous souriez du même sourire
Exactement
Plus vous souriez plus vous souffrez
Atrocement
Plus vous souffrez plus vous souriez
Irrémédiablement
Et vous restez là
Assis figé
Souriant sur le banc
Des enfants jouent tout près de vous
Des passants passent
Tranquillement
Des oiseaux s'envolent
Quittant un arbre
Pour un autre
Et vous restez là
Sur le banc
Et vous savez vous savez
Que jamais plus vous ne jouerez
Comme ces enfants
Vous savez que jamais plus vous ne passerez
Tranquillement
Comme ces passants
Que jamais plus vous ne vous envolerez
Quittant un arbre pour un autre
Comme ces oiseaux.