31/10/2023
Je ne pense jamais, je suis bien trop intelligent pour ça
Une des scènes les plus connues, et les plus profondes du théatre français, CALIGULA et HELICON :
HÉLICON, d’un bout de la scène à l’autre. — Bonjour, Caïus.
CALIGULA, avec naturel. — Bonjour, Hélicon. Silence.
HÉLICON. — Tu sembles fatigué ?
CALIGULA. — J’ai beaucoup marché.
HÉLICON. — Oui, ton absence a duré longtemps.
Silence.
CALIGULA. — C’était difficile à trouver.
HÉLICON. — Quoi donc ?
CALIGULA. — Ce que je voulais.
HÉLICON. — Et que voulais-tu ?
CALIGULA, toujours naturel. — La lune.
HÉLICON. — Quoi ?
CALIGULA. — Oui, je voulais la lune.
HÉLICON. — Ah ! (Silence. Hélicon se rapproche.) Et pour quoi faire ?
CALIGULA. — Eh bien !… C’est une des choses que je n’ai pas.
HÉLICON. — Bien sûr. Et maintenant, tout est arrangé ?
CALIGULA. — Non, je n’ai pas pu l’avoir.
HÉLICON. — C’est ennuyeux.
CALIGULA. — Oui, c’est pour cela que je suis fatigué. (Un temps.) Hélicon !
HÉLICON. — Oui, Caïus.
CALIGULA. — Tu penses que je suis fou.
HÉLICON. — Tu sais bien que je ne pense jamais. Je suis bien trop intelligent pour ça.
CALIGULA. — Oui. Enfin ! Mais je ne suis pas fou et même je n’ai jamais été aussi raisonnable. Simplement, je me suis senti tout d’un coup un besoin d’impossible. (Un temps.) Les choses, telles qu’elles sont, ne me semblent pas satisfaisantes.
HÉLICON. — C’est une opinion assez répandue.
CALIGULA. — Il est vrai. Mais je ne le savais pas auparavant. Maintenant, je sais. (Toujours naturel.) Ce monde, tel qu’il est fait, n’est pas supportable. J’ai donc besoin de la lune, ou du bonheur, ou de l’immortalité, de quelque chose qui soit dément peut-être, mais qui ne soit pas de ce monde.
HÉLICON. — C’est un raisonnement qui se tient. Mais, en général, on ne peut pas le tenir jusqu’au bout.
CALIGULA, se levant, mais avec la même simplicité. — Tu n’en sais rien. C’est parce qu’on ne le tient jamais jusqu’au bout que rien n’est obtenu. Mais il suffit peut-être de rester logique jusqu’à la fin. (Il regarde Hélicon.) Je sais aussi ce que tu penses. Que d’histoires pour la mort d’une femme ! Non, ce n’est pas cela. Je crois me souvenir, il est vrai, qu’il y a quelques jours, une femme que j’aimais est morte. Mais qu’est-ce que l’amour ? Peu de chose. Cette mort n’est rien, je te le jure ; elle est seulement le signe d’une vérité qui me rend la lune nécessaire. C’est une vérité toute simple et toute claire, un peu bête, mais difficile à découvrir et lourde à porter.
HÉLICON. — Et qu’est-ce donc que cette vérité, Caïus ?
CALIGULA, détourné, sur un ton neutre. — Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux.
HÉLICON, après un temps. — Allons, Caïus, c’est une vérité dont on s’arrange très bien. Regarde autour de toi. Ce n’est pas cela qui les empêche de déjeuner.
CALIGULA, avec un éclat soudain. — Alors, c’est que tout, autour de moi, est mensonge, et moi, je veux qu’on vive dans la vérité ! Et justement, j’ai les moyens de les faire vivre dans la vérité. Car je sais ce qui leur manque, Hélicon. Ils sont privés de la connaissance et il leur manque un professeur qui sache ce dont il parle.
HÉLICON. — Ne t’offense pas, Caïus, de ce que je vais te dire. Mais tu devrais d’abord te reposer.
CALIGULA, s’asseyant et avec douceur. — Cela n’est pas possible, Hélicon, cela ne sera plus jamais possible.
HÉLICON. — Et pourquoi donc ?
CALIGULA. — Si je dors, qui me donnera la lune ?
HÉLICON, après un silence. — Cela est vrai.
Caligula se lève avec un effort visible.
CALIGULA. — Ecoute, Hélicon. J’entends des pas et des bruits de voix. Garde le silence et oublie que tu viens de me voir.
HÉLICON. — J’ai compris.
Caligula se dirige vers la sortie. Il se retourne.
CALIGULA. — Et s’il te plaît, aide-moi désormais.
HÉLICON. — Je n’ai pas de raison de ne pas le faire, Caïus, mais je sais peu de choses, et peu de choses m’intéressent. En quoi donc puis-je t’aider ?
CALIGULA. — A l’impossible.
HÉLICON. — Je ferai pour le mieux.
15/09/2023
Alphonse Esquiros
j'avais prévu ce billet pour le 15/12/2022 - la "saint Zamenhof" ! - mais comme des espérantistes il n'y en a plus, ou ils sont comme les cathos : ils ne savent même plus lire l'Eo c'est juste un attachement "identitaire" !! de bourgeois crédules et arrogants, je le publie maintenant !
Aŭtoro, maljuste forgesita (kaj tiu fakto pensigas, pensigas pensigas multe ....) de la meza 19a jarcento.
Li parenteze verkis poemojn, interalie tiujn versojn, kiujn mi esperantigas ĉisube :
Dio, dankas vin mi, revula pigrulo
Ke min vi irigis el la senekzisto !
Tiuj ne naskitaj ne vidis la stelojn,
mi aldonus, tiuj kiuj vidis la stelojn, kaj poste mortis, estas ekzakte kiel tiuj, kiuj ne naskiĝis, neniun memoron ili havas de la steloj, kiujn ili vidis, eĉ de ili mem.
en français pour les non-espérantistes et les "espérantistes" qui ne savent pas lire l'Eo !!! (...)
Alphonse Esquiros, un auteur injustement oublié (et voilà un phénomène qui donne à penser, et vachement beaucoup penser .... SI on a une cervelle, et un cœur.) du milieu du XIXè siècle
Il a, soit dit en passant, écrit des poèmes, entre autres ces vers dont je donne ci-dessous une version en Espéranto
faute de retrouver le texte français je retraduit : Moi rêveur paresseux te remercie Dieu/ Toi qui m'a tiré de l'inexistence/ Car ceux qui ne sont pas nés n'ont pas vu les étoiles !
à défaut un autre : Qu'est-ce que la vie ?
Poète : Alphonse Esquiros (1812-1876)
Recueil : Les hirondelles (1834).
Depuis bientôt vingt ans, je passe sur la route ;
Mes yeux regardent tout et mon oreille écoute ;
Deux rois ont laissé choir leur couronne à grand bruit.
J'ai vu tout pouvoir vain, toute gloire éphémère,
Et la fleur qui bourgeonne à cette plante amère
Ne fait jamais de fruit.
L'Europe a donc quinze ans sué sans prendre haleine
Pour qu'un homme, à la fin, mourût à Sainte-Hélène !
C'est là le dénouement de ce drame profond.
Le peuple maintenant, riant de ce qui tombe,
Nous dit : « Il faut marcher ! » Où va-t-il ? À la tombe.
De tout c'est là le fond.
Soulevez donc le monde avec votre génie ;
Moissonnez, en courant, une gloire infinie ;
Jetez les rois à bas pour monter à leur rang ;
Et vous aurez un jour, si le sort vous seconde,
Pour reposer à l'aise au vaste sein du monde
Un sépulcre plus grand.
Etreinte en son linceul au fond des pyramides,
L'Egypte n'arme plus ses cavaliers numides ;
Que nous reste-t-il donc de ces peuples si hauts
Qui firent tant de bruit en passant sur la terre ?
De vides monuments, dans un lieu solitaire,
Et qui sont des tombeaux !
Le néant est partout ; et la mort elle-même
Sur la bouche des rois est un souffle suprême ;
On s'accoutume à voir ces trépas si soudains ;
C'est le rideau baissé quand la scène est finie,
C'est un de plus tombé dans la mer infinie
Où tombent les humains.
Du sommeil à la mort quel est donc l’intervalle ?
Est-ce un nom différent quand la chose est égale ?
En visitant des morts la paisible cité,
Je dis : Quand Paris dort, au soir de la journée,
Tous se réveilleront, lui dans la matinée,
(eux non...)
(oui autrefois on se réveillait le matin au chant des hirondelles, partout, les hirondelles ont disparues, comme si elles n'avaient jamais existé, qui se souvient d'elles ? pas mêmes elles-mêmes bien sûr, et les enfants qui les entendaient n'auront même pas venus au "monde" (qui n'existe pas non plus, puisque qu'il n'existe que par la conscience qu'en on eu des "êtres" promis au néant éternel.)
24/08/2023
Roberto Ardigo, Armand Salacrou - il règne sur ce sujet un tabou, j'te dis pas!!
Roberto Ardigo
Roberto Ardigo, philosophe positiviste italien, qui a fini par se suicider :
« par suite du refroidissement progressif de la terre notre monde doit mourir, lui aussi, avec tous les êtres auxquels il donne vie ; et si c’est là le sort extrême de tous les mondes disséminés dans l’univers, à quoi sert donc l’élévation progressive de l’humanité ? à A quoi bon le culte de l’art, du Beau, du Bon ? La fièvre de savoir, de se consacrer à un idéal ? à quoi sert la vie ? A quoi servent tant de douleurs matérielles et morales, souffertes par les êtres auxquels a été accordé, sans qu’ils l’aient demandé, le don sadique de la vie ? »
Quelle immense déception pour une âme élevée telle que celle de Roberto Ardigo (ou celle de Miguel de Unamuno aussi, lisez le ! il est incontournable, et combien ça change des conneries sophistiques égoïstes et nécrophiles qu’on entend de nos jours) ! Il ne pouvait s’empêcher de contempler, épouvanté, l’abîme de la vanité infinie de tout. Il ne pouvait s’empêcher de se révolter en présence de cette ironie tragique du sort. Il valait donc mieux défier fortement la destinée de la seule façon permise à un vivant : se libérer, par le suicide, du supplice moral de contempler, impuissant, la tragédie de l’être, et sa propre prochaine disparition éternelle. Robert Ardigo a été conséquent avec lui-même. Les philosophes qui partagent ses convictions matérialistes, et qui, malgré cela, ne finissent pas comme lui par le suicide, sont heureusement inconséquents.
PEGUY
" .. sauver de l’Absence éternelle
Les âmes des damnés s’affolant de l’Absence,"
On ne lit plus assez SALACROU
« Alors, là nous sommes tous en plein cauchemar depuis l’instant où nous avons compris que nous étions vivants. Vous souvenez-vous, Monsieur Lenoir, de l’instant précis où, tout à coup, petit garçon, vous avez eu cette révélation : « Je suis un vivant, j’aurais pu ne pas exister, et je vais mourir. » Non ? moi, si. Et je me suis évanoui. C’était une charge intolérable sur les épaules de ce petit enfant. » (Armand SALACROU, in « L’archipel Lenoir »)
oui, j'ai toujours été ébahi, n'ai jamais compris comment se fait-il qu'il n'y ai pas plein d'enfants qui se suicident à l'age de raison (disons 12 ans)
comment peut-on vivre encore étant adulte, où théoriquement c'est pire, et toutes les autres sujets de douleurs métaphysiques, personnelles, sentimentales, et sociales qui vous tombent dessus ? et quand on est vieux ?
Ben, il y a un détail auquel je n'avais pas encore prêté attention, mais Simone de Beauvoir si !
il y a dans les mémoires de Simone de Beauvoir une remarque très importante et dont je prend maintenant conscience de la justesse, c'est quand elle dit « Quand je me jetais dans le malheur, c'était avec toute la violence de ma jeunesse, de ma santé, et la douleur morale pouvait me ravager avec autant de sauvagerie » etc
eh oui ! C'est comme ça que ça se passe; et aussi comme quand on est enfant on est plus conscient, plus sensible, plus intelligent, plus en contact avec la réalité que les adultes, et ça va constamment en se dégradant quand on devient adulte, puis en vieillissant. Il y a aussi comme une fainéantise de la conscience, et de la douleur qui ravage tout. Et on souffre dans la même mesure qu'on est vivant en fait et qu'on en a la santé ! La santé. Même le désespoir et l'abattement demandent de la santé, quand on est trop engourdi on ne sait même plus être désespéré, que dis-je même plus être abattu.
n'empêche que
c'est effarant à quel point comme disait Camus les gens font "comme s'ils ne savaient pas". Il règne sur ce sujet un tabou, j'te dis pas !!
12/07/2023
la vie humaine
Georges Jeanclos : barque
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21/04/2023
bruits de VIE qu'on n'entend plus dans nos immondes villes actuelles
*** les cris d'enfants !
entendre des cris d'enfants, partout, en tous cas partout en ville, était la banalité même , et faisait LA TRAME DE LA VIE, du temps où les villes étaient des villes, où la vie était la vie, où la société était une société, où les nazis actuels n'avaient pas encore étendu leur chape de plomb sur nos vies et sur les êtres !
C'était sain humain et vivant, tout à l'opposé du capitalisme totalitaire à crever actuel imposé par la mafieuse UE et son extension le "great reset" du nouvel Hitler: Klaus Schwab
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16/04/2023
une citation de Chateaubriand
Châteaubriand dans ses Mémoires d'Outre-Tombe évoque les nuits qui
"s'achèvent le matin avec la première hirondelle"
souvenez-vous de cette belle évocation ! surtout que maintenant ça N'EXISTE PLUS ! il n'y a PLUS d'HIRONDELLES pour vous réveiller le matin; c'était la vie quotidienne autrefois, j'ai connu ça ....
27/03/2023
Saint-Amand-les-Eaux
un jour, (en 1947 sans doute) on a organisé une représentation de Louise, l'opéra de Gustave Charpentier, en extérieur, sur la Grand'Place de saint-Amand les eaux, devant le beffroi.
Oui, et mon père y a emmené sa future femme Louise.
26/02/2023
de cette bouche où mon cœur se noya
« La maladie et la mort font des cendres
De tout le feu qui pour nous flamboya,
De ces grands yeux si fervents et si tendres,
De cette bouche où mon cœur se noya... »
BEAUDELAIRE
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20/02/2023
un tableau montrant des gens conscients de leur condition humaine et donc qu'ils sont condamnés à mort
01/01/2023
Ewig rein bleibt nur die Träne/ Und das Wasser der Fontäne (Joachim Ringelnatz)
15/1/2003 à la radio, entendu « Un adolescent d’autrefois » (d’après le roman de François Mauriac) Mon Dieu Mon Dieu ! ma vie est plus ravagée que celles de ces personnages, et plus bouchée.
Et je connais la réponse à « Mais qu’est-ce qui est vrai ?! » :
- Rien. La mort. Le néant et l’oubli.
110) Les chiens ont plus le sens des valeurs que les humains.
6/10/1991 C'est curieux, l'état d'enrhumé convalescent me plonge à chaque fois dans un état étrange et merveilleux, comme dans un rêve, engourdi, comme dans un brouillard, et en même temps comme une ivresse et une fraîcheur et une acuité inhabituelle de perception et comme un retour d'une présence aigüe du passé, ce qui était déjà le cas quand ça m'arrivait étant enfant.
(Et puis la lumière de l'automne est si belle, si poétique, a tant de présence, je retrouve dans le jardin des impressions perdues depuis longtemps)
Et j'ai retrouvé ma mini-chaîne hi-fi et la musique de Bach, et il y a ma viole, à la fois. Je suis comme grisé et dans un rêve engourdi.
- Les petites souris de Bâle, à la vie desquelles nous nous étions intéressés Denise et moi tous les deux assis un soir de fev 1989 sur un banc au détour d'une avenue. C'est bien là le cœur du problème, seule cette approche des êtres, et donc l'optique existentielle, fournit la base vraie et la nourriture de l'amour chrétien et de la même chose version humaniste, la seule source où l'âme peut se libérer et vivre, et des rapports sains s'établir.
20/1/2003 je ne suis qu’un morceau de viande, prêt à basculer dans le grand charnier, comme Jacqueline.
111) L’âme on oublie qu’elle a existé, le corps on le fout dans une urne, et bon débarras, l’argent par contre on veille à ce qu’il ne s’en perde pas, c’est important.
jan 2003 Mon Dieu quel malheur de devoir se lever, de devoir se réveiller.
112) et donc A partir du moment où il n’y a plus de larmes il n’y a plus que de l’impureté, Ringelnatz a raison.
113) « Dans ce monde politiquement correct, l’humaniste se sent à l’étroit, voire de trop. » (Pr Antoine COURBAN)
114) "Be quiet, because we're going to be here buried in this tomb for a long, long time together, so hug me !" (Juan Ruflo)
"J’avais envie et peur à la fois de regarder ce visage qui m’avais apporté tant d’amour et de bonheur. Elle avait tellement changé que je ne la reconnaissais plus très bien." .......
( Niu-Niu/ « Pas de Larmes pour Mao » )