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20/07/2022

honte à ceux qui ferment les portes des églises !

La petite chapelle

Encore quelques pas avant de l’apercevoir, diaprée par les derniers rayons du soleil couchant, tranquillement posée sur son tertre ; encore quelques pas car l’oeil attend ce petit clocher sans insolence, ces voûtes assombries par les années.

Encore un pas pour atteindre la porte massive, puis en pousser le premier battant, entrer, attendre un peu afin que les yeux s’apprivoisent, effleurer l’eau bénite. Marcher un peu, doucement, sur les dalles de pierre, écouter les bruits accentués qui résonnent, s’imprégner de la lumière juste suggérée, comme en sourdine.

Dans la chapelle, on ne va nulle part, est là ; on ne visite pas, on s’arrête sans cesse, c’est une forme de respect du lieu, c’est une manière d’essayer de s’impliquer dans la dévotion car il est impossible, ici, de ne pas ressentir. Le temps, l’histoire , et un chant de mystère sont mêlés, les statues ne sont pas parfaitement immobiles, les pensées viennent chercher l’esprit et le visiteur chemine devant le mur de ses insuffisances, à deux doigts parfois de franchir le seuil de la compréhension

Le silence est l’ombre, la clarté vacillante des bougies et des cierges sont des murmures, des serments ou des espérances. Toutes les mains qui ont allumé ces flammes ont éclairé toute la paix, et toute la souffrance du monde, les yeux qui les ont regardées y ont vu l’immensité, les coeurs qui les ont accompagnées ont prononcé tous les mots du monde. Au pied de cet autel aux mille flammes, on entre dans le creuset des jours mais on ne peut appréhender l’énergie – infinie – posée là, devant soi, cette petite part de l’incompréhensible restituée sans en avoir la conscience, par la ferveur et l’amour.

Le silence est l’ombre parce que les mots sont partout, tus ou chuchotés, ils ont été mais ils demeurent, ils sont posés sur la lumière, comme autant de fleurs sur le désespoir, autant d’offrandes sur la béatitude. Le coeur s’est livré, ici, sans artifices, avec magnificence ou, parfois, avec la naïveté d’une amertume coupable qui trahit la grandeur d’une prière.

Autour des statues ruissellent d’autres mots, il est difficile de rester insensible à leur omniprésence parfois douloureuse, parfois sereine. Les pensées qui sont nées ici sont un encens, le parfum de l’irréel se pose doucement sur vous, vous comprenez que tout est possible. Il y a des scintillements qui vous envahissent, des images fugitives et incomplètes accompagnées de quelques sons lointains, comme étouffés, convulsifs, des clameurs, des cris de haine ou de joie. Vous comprenez l’intemporalité, vous admettez l’émergence, mais vous ne saurez pas, car c’est cela qui est inutile.

Si vous êtes croyant, vous délivrerez vos mots selon les besoins ou l’inclination du moment. C’est parfois difficile, c’est parfois un soulagement, c’est toujours essentiel. Si vous ne faites pas partie des croyants, essayez de porter votre esprit au-delà de l’esthétique ou de la beauté, tentez d’identifier ce qui perturbe une apparente tranquillité, essayez de na pas être intelligent mais ouvert, réceptif.

La chapelle n’est pas un temple, c’est un havre ; on emporte en sortant ce que l’on y a apporté, mais transformé, parfois transfiguré. Ce n’est pas un lieu où l’on vient quémander, c’est un lieu où l’on vient témoigner, affirmer, douter. Ce n’est pas un lieu où l’on va, c’est un lieu où on revient en oubliant les questions, pour croiser le fer avec la raison – sinistre – pour se plonger dans l’univers du sacré, fondamental mais bâti sur le sable.

Ce sont les vitraux qui vous regardent, ce sont eux qui vous jugent. Ils ne façonnent pas la lumière pour vous éberluer, mais pour vous éblouir sans clamer, pour vous obliger à porter vos regards vers le ciel, à travers eux. Si votre regard – votre lumière – vous revient, vous ne serez plus jamais la même, vous ne serez plus jamais le même.

Il faudrait quitter la chapelle mais quelque chose vous retient, c’est cela qui constitue votre victoire sur le tangible et l’immédiat, c’est cela qui vous confère une forme de grandeur. Vous n’avez plus envie de savoir parce que vous percevez et l’esprit ne se préoccupe pas d’analyser, il s’émeut, il respire son propre parfum.

La nuit vient de tomber sur la petite chapelle et ombre sa silhouette sur le gris du ciel mais on voit danser des lumières, au travers des vitraux. Nos pas nous éloignent d’elle mais nous ne sommes plus tout à fait seuls, à présent.

La petite chapelle a entendu tant de mots qu’elle, - elle seule -, peut comprendre les vais secrets sans répondre ; elle seule constitue le territoire,l’asile e notre sincérité.


Claude PROUVOST (in "Bouts de chandelles" Ed. Flammes Vives) - quelqu'un sait-il ce qu'il est devenu ? et l'association Flammes Vives ?

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