12/10/2021
Enveloppez-vous dans mon manteau de voyage La grande neige d’automne fond sur votre visage Et vous avez sommeil
Quelques extraits de mon journal intime il y a bientôt 30 ans comme je l'ai déjà dit et redit plusieurs fois !!!
16/2/1985 sur certains souvenirs récents et sur l’ONIC :
Se rendent-ils compte de ce que ça représente de vivre ça, tout seul ?
Ils (elles) me font l’effet de petites figures en carton-pâte qui s’agitent en tous sens, de puériles et inconsistantes marionnettes, sans cœur, et qui ne communiquent rien avec personne, qui échangent des lieus communs et des faux-semblants, ils jouent, avec leurs esprits égoïstes et étroits, à un jeu codé, se masquent les réalités quand elles sont gênantes, et crêvent et puis on t’enterre et puis c’est fini» chantait vers 1960 ROBERT LAMOUREUX. Et les survivants continuent de s’agiter frénétiquement et de manipuler le jeu.
- Avec le temps vient le moment où on n’a même plus la force de se révolter, comme ces vieillards qu’on voit évoquer leur mort en
l’acceptant, voire en la souhaitant, état ultime d’aberration et de
déchéance humaine. Déjà avec l’age l’avachissement, le dessèchement du cœur on perd la conscience des choses, même si on l’a eu étant enfant, même si on en a plus que jamais le savoir intellectuel. Et puis quand l’expérience de la vie, le désespoir et la fatigue ont fini par tout miner, user les facultés productrices d’illusions …n'y a-t-il rien d'autre que le vide et le gâchis ? Et pourtant j'aime tellement la vie. Même si on passe à côté de tout. Même si l'immense majorité des gens sont si bêtes qu'ils lui coupent les ailes et la ratatinent d'égoïsme, de conformisme, d'inconscience et de vulgarité. Et pourtant il y a tellement de si belles choses; du langage Prolog à
l'architecture du château de Hillerød, de la morale personnaliste aux beaux gros minets.
Pourquoi faut-il que tout cela, et la vie de tous ces enfants soient dénués de tout sens !
- Le 3 avril au soir : Pourquoi faut-il n'avoir à penser que des trucs à vous fendre le coeur ?! enfermé de toutes parts, hermétiquement, de murs entiers de choses à fendre le coeur. Sans pouvoir y échapper, sans même pouvoir se voiler la face
ou se boucher le nez.
J'ai un coeur qui ne demande qu'à déborder de tendresse, une âme qui ne demande qu'à être aussi vaste que le Cosmos, aussi passionnée que la musique, et je suis irrémédiablement sevré de tout amour, d'espoir, de sens, autour de moi, devant moi que le vide, l'impuissance, le désespoir, le gâchis, la souffrance, et l'horreur.
Les chiens écrasés, cette forme de beauté, cette masse de chaleur et d’amour, de vie et de sensations qui est, là, transformée en une informe galette de sang et de boue ; De temps en temps on en rencontre Nulle part, de quelque côté qu’on tourne son esprit, dans la sphère intelligible comme dans la sphère sensible, il n’y a aucun réconfort ni aucun espoir, aucun sens, rien qui soit désirable, ni même supportable. Il n’y a aucune chaleur nulle part dans la vie, ni dans les choses, ni dans les gens, rien qu’un froid mortel. Rien que la solitude et la conscience de devoir mourir.
- 8/5/1985 « Manhattan », le film de Woody Allen, est passé à la télévision. C’est un pur chef d’œuvre. Je suis allé le voir 2 fois au cinéma, ça fait donc 3 fois. Et s’il repassait à Arras j’irais encore le revoir une 4ème fois. Il y aurait tant de choses à en dire. La scène finale est une des rares œuvres qui me met les larmes aux yeux. Je me souviens ça ne m’est je crois arrivé qu ‘en lisant un extrait des « Mémoires d’outre-tombe » de Chateaubriand intitulé « Un orage en Suisse ». Et une fois en lisant « Brève rencontre » de Françoise Sagan. Et au cinema la dernière scène de « Paris, Texas »
- Je n’essaye même plus d’entreprendre ou d’acquérir quoi
que ce soit, à quoi bon ! puisque ce ne serait que encore des fatigues et des souffrances pour un résultat nul ou une dégradation supplémentaire. Si seulement avec toutes ces fatigues, efforts, souffrances, j’obtenais quelque chose ou si la stérilité n’était que le prix du repos et de la décontraction, même pas : Toujours souffrir pour rien, fatigues pour le gâchis, dépenses de temps et d’argent pour un mal supplémentaire.
- 25/5/1985 Maman ! je voudrais mourir dans tes bras, et avoir enfin la paix.
Mon Dieu, je ne veux pas mourir ! Ayez pitié de nous. J’aime ce monde.
- Marie-José me réécrit, après 20 ans. Dans ses lettres je lui trouve un type flamand dans le caractère (et ce n’est pas un compliment)
Tant pis ! Puisqu’elle veut bien correspondre avec moi, je vais sauter dessus comme la pauvreté sur le monde !
29/6/1985 Je vis dans la solitude et l'incomprehension.
Et pourtant je suis sentimental comme un chévrefeuille …
Le mardi 18 juin j'ai vu le film « Les baliseurs du désert ». Je me
disais C'est de circonstance, c'est comme mes vacances (en tous cas c'est comme ma vie) on cherche on n'arrive pas à savoir quoi, mais ce n'est pas gênant, puisque que de toutes manières on ne le trouve pas ! De toutes façons, c'est pas grave parce qu'il n'y a rien à trouver.
- 24/6/1985 Tous les gens que je fréquente sont tellement
médiocres, que même avec les très rares avec lesquels je peux me sentir en confiance, je ne peux rien partager.
J’aurais envie de faire venir l’accordeur de piano, rien que pour voir quelqu’un de sérieux : un professionnel « sérieux » c’est de nos jours quelque chose de si rare, et pour rencontrer quelqu’un, quelqu’un, et pas ces éternelles insignifiantes pécores.
- 30/6/1985 Tout va encore bien, mais un jour ça ne
fonctionnera plus ; un jour mon cerveau ne sera plus irrigué, alors toutes ces nunuteries, toutes ces cocottes en papier, toutes ces petites conneries disparaîtront et le monde avec, et la passé et l’amour.
Développer la comparaison entre le début d’un amour et le mouvement vers Dieu.
(sauf que je ne l’ai pas fait ! une fois de plus, décidément je ne suis pas assez doué, ou surtout trop feignant, note de 2003) Sauf que Dieu ne répond pas, n'appelle pas, n’a pas de qualités à lui, pas de défauts, pas de visage unique, sacré entre mille, on ne peut pas le serrer dans ses bras, manque plus rédhibitoire qu’on ne pense, pire : il n’existe pas.
Devochelle appelait Mme D.« la môme D. »,
car il l’avait connue toute petite. Bientôt on pourra l’appeler « Mémé D. » … Plus tard on dira « C’était là qu’était enterrée Mme D. » Moi je serai mort depuis longtemps, toutes mes affaires dispersées ou jetées à la décharge. Et plus personne ne se souviendra seulement que j’ai existé. Pas même moi ; et c’est bien là le problème ……….
Souvenirs mis par écrit le 30/12/97…
Maman était tellement fatiguée qu’elle s’endormait en tricotant ou faisant du crochet, et toutes ses mailles se défaisaient, et quand sa tête penchait et tombait en avant ça la réveillait en sursaut, et ainsi de suite.
Tous ses travaux de broderies !
Elle avait un goût prononcé, et un don, pour la peinture, et n’ayant eu aucune formation, sans calculer ni y mettre d’application comme moi, dont les résultats étaient si maladroits malgré les efforts ! (ou à cause ?), elle parvenait à de bien meilleurs résultats, sans inhibitions elle improvisait des couleurs de son cru et c’était harmonieux ; elle aurait plu aux profs des écoles de maintenant. Mais de son temps ça n’existait pas. Si elle avait pu faire des études ? Mais dans son temps et milieu c’était exclu.
Tout ça a été jeté par papa après ; je n’ai presque plus rien.
Et les radio-crochets avec Zappy Max (Il est mort.. .). Les chansons de Dalida (elle est morte ...) à la radio.
Les cha-cha-cha burlesques. Mireille.
La Marseillaise tous les soirs à minuit à la fin des émissions.
Et les concours qu’on faisait, où il fallait classer les chansons dans le même ordre de préférence que le résultat global. (On n’a jamais gagné je crois)
« Quitte ou double », « Le rêve de votre vie », (et les publicités pour Soir de Paris de Bourgeois et Kléber-Colombes) « Accusé levez-vous ! », « Je voudrais bien savoir », et l’après-midi du jeudi entièrement consacrée à des émissions enfantines. Michel Auriac, Marianne Oswald.
Stéphane Pizella, « Au-delà des mers » et Bachir Touré, le seul comédien noir à cette époque ! encore coloniale. Les émissions en langue kabyle qu’on écoutait tous les soirs. Et les émissions polonaises de Radio-Lille. « Mouvi Paris nafari gochni Lille » (je ne garanti pas l’orthographe !) Et Simons. Et les messages aux familles des militaires en Algérie. On ne savait pas ce qui se passait réellement à l’époque.
Tout ce que maman avait, des heures durant, raonté sur son enfance, sa jeunesse, sa famille, Malincourt, et les voisins, le curé Bodchon (il y a un opuscule de lui sur Internet ! http://pagesperso-orange.fr/pierre.decaudin/malincourt/in... j’ai vu) - qu’elle critiquait tant ! - et la vie à l’époque ; que j’ai oubliés. Ce n’est plus possible de le reconstituer… plus jamais.
L’éclairage dans les campagnes avant que l’électricité ne soit installée, les lampes à pétrole, les quinquets, les saucissons et les pains de sucre candi pendus au plafond, et dont on cassait de petits morceaux pour mettre dans le café, (ça c'était avant 14) les coups de casquette de son père (une fois passé la toute petite enfance, où ils avaient le droit de tout , les enfants étaient dressés à la dure). Le tennis sport de riches, le scandale devant les premières jupes « courtes » (au genou) etc. Les zizanies, rancunes, et autres démélés dans sa famille (ce n’était pas la joie !) Sa sœur Julie morte en couches, d’hémorragie (c’est pourquoi elle-même 15 ans plus tard est allé à la maternité, et avec raison, car elle aussi a eu une hémorragie), la phlébite et la mort de son père en 41, celle de sa mère en 46 (qu'elle appelait encore dans son sommeil à près de 70 ans) l’occupation par les soldats allemands en 14, et en 40. Les « pikinini chinois » en 18, et les prisonniers russes se nourrissant de trognons de betterave en 40. L’évacuation à Binche en 1918, et la grippe espagnole.
Le vieil Auguste Wargniez, si frèle, si vieux, et sa femme Reine. A Malincourt leur maison sur la place, et son beau « jardin de curé ». Maintenant la maison est mise à louer, en langue anglaise !… pour des touristes !….
Les dernières batteuses, que je voyais passer dans la rue à Bailleul, et les derniers chevaux de trait, de race flamande, si gros et grands. Et la baladeuse à bras dont papa se servait pour aller monter des chapelles mortuaires chez les gens. La dernière pompe à eau publique dans la rue du Musée, supprimée après 1954, 55 ?
Les séances de jogging qu’on faisait avec Claude Roatta le midi (vers 1990, on change d’époque !), et avec la fameuse Noëlle (morte subitement longtemps après en 2007) en allant à la cantine, avec les aller-retour en voiture c’était la course (en 1987-89 ?), maintenant ce serait tout à fait impossible, les déplacements en voitures en ville deviennent de plus en plus lents et difficiles, quand ce n’est pas carrèment impossibles.
Les éboueurs, vers 1960, à l’époque pas de poubelles standard, ni de benne étudiée pour, simplement un camion où les éboueurs piétinaient dans les ordures en y vidant, à la force du poignet les récipients de fortune qui servaient de poubelle. (Maintenant c’est l’excès contraire ; je ne sais pas où ça va nous mener ce caporalisme et ce totalitarisme hygiéniste qui commence à étendre sa chappe de plomb sur la société (1998, et après ...)
un hygiénisme maladif, psychotique, qui provient du cerveau malade des eurocrates de Bruxelles
« Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent.»
oui, c'est tout à fait ça. Très juste comme expression.
Les commentaires sont fermés.