un certain Transfert vers Aiguebelle qui ressemble fort au fameux Transfert vers l'Est (11/05/2020)
Un des romans les moins lus de Balzac : « Le médecin de campagne »
(ici vous pouvez le lire in-extenso : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_M%C3%A9decin_de_campagne )
Contient l’image la plus nette de ce qu’était l’idéologie de classe de la bourgeoisie du XIXè siècle (rappelons ce qui est une des affirmations de base du marxisme : les idées et les productions littéraires des gens sont conditionnés par « les rapports matériels de productions » par leurs intérêts matériels de classe, soit qu’ils cherchent consciemment, ou inconsciemment à les justifier, soit qu’ils reflètent le monde vu à travers ces idées, ces préoccupations, les valeurs qui en découlent.)
Et quand il parle de son élimination (dont il se vante et se félicite) des « crétins des Alpes » qui habitaient le village, autre enseignement, pareil que le livre, capital, de Sven Lindqvist « Exterminez toutes ces brutes » les horreurs nazies ne sont pas tombées d’une autre planète ! elles sont le fruit et la suite logique de toute la pratique et des théories du siècle qui les a précédées. Et si on considère le premier (et donc le plus important ! comme dit la sagesse des nations : "il n’y a que le premier pas qui coûte"), le premier génocide nazi, celui qui a brisé le tabou moral et les a accoutumé à faire mourir, le plus économiquement possible, un catégorie entière de personne à partir du moment où ils l’ont catalogués comme indésirable, donc l’Aktion T4 la fameuse «euthanasie» des fous et des handicapés, qui coûtaient selon la propagande tant de millions de marks au brave travailleur allemand, et de nos jours les partisans de la solution finale des trisomiques, qui se déroule sous nos yeux, sans que personne ne s’en émeuve, à part Jean-Marie Le Mené
( http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2016/03/eug%C3%A9... ),
"Mais quelle est cette époque qui rend mortelle une maladie qui ne l'est pas et qui, sur la foi de juteux résultats de laboratoire, condamne librement le visage de l'un des nôtres? "
C’est une même logique de classe et fruit du rationalisme scientiste et économiste de l’époque (et de la notre) qui faisait qu’au XIXè siècle bourgeois tant d’auteurs disaient qu’il ne faut pas aider les pauvres ni recueillir les errants, etc., mais au contraire laisser se faire la sélections darwinienne à l’encontre des plus faibles, donc des moins dignes de vivre, la division entre riches et pauvres étant la conséquence logique du mérite de chacun il est normal que les pauvres, les chemineaux et les fous meurent car ce sont des formes inférieures de l’espèce, il ne faut pas par une charité pas rationnelle les empêcher de mourir ! En fait la raison - derrière ! - la plus prégnante c’est que tout ça , ça coûte !! (souvenez-vous de la réforme de 1834 qui a donné les workhouses en Angleterre !) dans le roman de Balzac :
« j’eus pour défenseurs quelques-uns de mes obligés et les membres du conseil de la Commune de qui j’intéressai l’avarice en leur prouvant combien l’entretien de ces pauvres êtres était coûteux, combien il serait profitable pour le bourg de convertir les terres possédées sans titre par eux en communaux »
tout est dit ! (et les raisons du colonialisme aussi !) dans ce candide aveu !
Bref ce qu'il y a de plus choquant dans ce roman (et en même temps d'interessant ! c'est un sacré document historique, idéologique, moral, et tout et tout !) c'est l'idéologie de classe qui le remplit, le cynisme incroyable sous des tartines d'hypocrisie et de bien-pensance, la façon dont Benassis se vante d'avoir effectué la "solution finale" (car son transfert ver, de nuit, des crétins vers un autre lieu où ils « seront bien traités » - gratis ??? - ne ressemble que trop au « transfert vers l'est » des juifs décidé paraît-il à la conférence de Wansee !) des crétins, qui coûtent si cher à entretenir, et dont les propriétés inemployées pourront être mises en valeur, en qualifiant le respect viscéral et religieux des paysans pour la vie de ces innocents de "superstition" incompréhensible, incompréhensible ! le respect envers l'homo sacer (expression de Giorgio Agamben) pas rentable .... ça laisse une envie de vomir devant la "moralité" des bourgeois scientistes du XIXsiècle ! Et la façon dont il fait de la religion un allié pour apprendre aux paysans à respecter comme sacrée par contre la propriété privée (voir le chapitre 3
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_M%C3%A9decin_de_campagn... ) montre bien le caractère d'idéologie de classe de tout ça. Marx n'avait pas encore écrit à l'époque, mais qu'est-ce qu'on le comprend quand on a lu ça !
Eh oui ! un autre trait très important qu’on voit là c’est ce respect (Balzac, à l’instar de tous les bourgeois scientistes, « libre-penseurs », contempteurs « éclairés » de tout « obscurantisme » populaire - de nos jours on dirait « populiste » ça non plus ça n’a rien d’innocent ! - assis tranquillement dans leur cynique égoïsme de classe bien-pensant, le qualifie de « superstition ») que ressentent viscéralement les paysans imprégnés de christianisme envers les « homo sacer » lisons dans la Wikipédia à l’article crétinisme :
« un crétin étant considéré comme un innocent, un bienheureux », et « les arriérés étaient recueillis dans les monastères au Moyen Âge ». De même en 1933-39 seule l’église catholique (ces pelés, ces galeux, prétendument « pédophiles », que l’idéologie actuelle se plaît tellement à stigmatiser, et à cataloguer son opposition à l’avortement et à l’euthanasie d’idéologie d'extrème-droite !) en la personne de l’ évêque Van Galen de Münster avait essayé de protester contre cette politique de Hitler.
en apparemment 2015 lors d'un repas offert à 1500 "pauvres" le pape François a déclaré :
Il a aussi critiqué le rythme de vie « frénétique », l’obsession des objectifs à atteindre « immédiatement », « toute personne laissée pour compte étant considérée comme une nuisance. Considérée comme jetable ».
« Combien de personnes âgées, (d’enfants) à naître, de handicapés et de pauvres sont considérées comme inutiles."
un article qui vient corroborer tout ça : https://nouveau-monde.ca/remi-tell-ce-qui-nous-a-emancipe...