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Des fillettes souriantes qui offrent des fleurs aux policiers venus chasser leur groupe de Sintis, Zingari (tziganes) italiens, du campement qu’il occupait depuis des années dans le quartier Testaccio de Rome. Les caravanes étaient agrémentées de terrasses fleuries. Les adultes travaillaient. Les enfants allaient à l’école. Tout se passait bien avec les autres habitants de la zone, ils se connaissaient depuis si longtemps qu’ils avaient appris à s’apprécier mutuellement . La vie était plaisante.
Un nouveau campement, entre décharge publique et bretelle d’autoroute. Pas d’électricité, un robinet rouillé, pas d’ombre. 120 personnes dont 20 enfants.
Deux mois plus tard, un autre camp, encore plus isolé, encore plus triste, aride, sale, infesté de mouches.
L’école est loin. Sur les visages des fillettes les sourires, comme les fleurs se sont fanés.
Un nouveau camp. Puis un autre. Et la perpétuelle lancinante incertitude du lendemain. Qui ronge, affaiblit, tarit les rires et les forces.
Et partout où on les oblige à aller, la même odieuse spirale : les lamentations des « braves citoyens » leurs pétitions, leurs insultes, leurs menaces :
« Al rogo gli Zingari! » (Au bûcher les tziganes)
Menaces bien trop réelles pour être ignorées. En Mai 2008, des camps de Rroms ont été incendiés. Des représailles, à la suite de la bizarre histoire d’un bébé qu’une jeune fille rrom aurait voulu voler.
Le vent a emporté les cendres. Sur le terrain, on a bâti un centre commercial et des immeubles élégants.
Puis arrivent les fascistes et il faut à nouveau accrocher à la voiture la caravane brinquebalante.
Retour forcé au nomadisme.
A un groupe de Rroms l’administration italienne a construit un camp, au milieu de nulle part, enfin non, pas tout à fait, à côté d’un tas d’ordures. De fragiles baraques, entassées les unes contre les autres. 30 m2 par famille. Quelques sanitaires communs.
Un läger, entouré de grillage.
En Lombardie lors d’un congrès de la Lega Nord, un gros homme rouge vomit sa haine des Zingari : « Je veux éliminer tous les enfants zingari qui vont voler les vieillards !» » « Moi, j’ai détruit deux camps ! »
Et la foule galvanisée applaudit à tout rompre.
« Un bel rogo ! » (un beau bûcher).
Nous deux, atterrés, blottis l’un contre l’autre sur le canapé. Envie de vomir devant ces images que diffuse Rai 3.
« Presadiretta» de Riccardo Iacona et Francesca Barzini . La meilleure émission de la chaine, remarquable, courageuse, qui dénonce l’innommable.
Qui questionne les « braves citoyens ».
«- Pourquoi voulez-vous les chassez ?
– On veut pas d’étrangers!
– Ils sont Italiens !
– Alors ils ont qu’à travailler, on veut pas payer pour eux. Ils sont sales, ils crachent par les fenêtres, les enfants ne vont pas à l’école, d’ailleurs on n’en veut pas dans nos écoles. »
Mur de haine et d’incompréhension.
Puis l’équipe nous emmène en Espagne. 700 000 gitans y vivent, cinq fois plus qu’en Italie où ils ne représentent que 0,25% de la population.
Parfaitement intégrés, les gitans espagnols. Parfaitement, c’est-à-dire qu’ils font entièrement partie de la société mais n’ont perdu ni leurs coutumes, ni leur langue, ni leur culture, officiellement reconnus par le gouvernement.
La tête haute, la guitare et les jupons les jours de fête.
Les enfants qui font des études.
L’un deux est député au parlement européen. Les images du gros homme de la Lega Nord le choque. Il ne comprend pas.
Il explique que, bien sûr, les gitans peuvent faire entièrement partie de la société. Qu’il suffit de les aider. En Espagne, en 10 ans, grâce au 65 millions d’euros versé par la communauté européenne, tous les problèmes ont été résolus.
En Italie aussi sont arrivés des fonds destinés à aider les Zingari. Dilapidés. Utilisés pour construire des lägers tellement éloignés des villes que l’argent a filé en transport scolaire.
Compliqué en plus car les écoles n’acceptent pas plus de quatre enfants Sintis ou Rroms par établissement.
Des heures d’autobus. Les derniers déposés arrivent chaque matin en classe avec deux heures de retard. A peine ouvert le cartable, il faut repartir.
Alors ils n’y vont plus.
Les familles sombrent dans la pauvreté. Les enfants vont voler.
Les pétitions reprennent.
Et les menaces, terrifiantes :
« Al rogo gli Zingari ! ».
Un cercle infernal, monstrueux.
et autre racisme, dernier régime d'apartheid après la disparition de l'Afrique du Sud http://www.bdsfrance.org/