Normes tordues - moeurs 1990, est-ce encore pareil ? (28/08/2015)
Il y a de nos jours une nouvelle forme de normes de civilité, vachement plus « tordue » que l’ancienne
C’est un ton qu’on voit maintenant (vers 1990) régner dans la tranche d’age 16-35 ans de la classe statistiquement et sociologiquement moyenne (c’est à dire immédiatement inférieure à ceux qui se plaisent à s’appeler « classes moyennes », et qui sont en fait la bourgeoisie, c’est à dire une classe supérieure), des gens de formation moderne, citadins, employés, cadres moyens ou assimilés, qui ont étudié jusqu’au niveau bac ou au-delà. C’est peut-être là que ça s’est formé, et dans les loisirs organisés et les mouvements de jeunesse ( ?).
En tout état de cause ça consiste à avoir l’air décontracté, obligatoirement, sans façon et amicaux, sans l’être réellement, tout en respectant, en fait, mais sans jamais avoir l’air de les prendre au sérieux, des normes de comportement très strictes.
Au moins la politesse guindée traditionnelle avait l’air de ce qu’elle était, ses normes se présentaient comme des normes, les gens s’avançaient masqués mais en quelque sorte « franchement », et quand les gens étaient détendus ils l’étaient réellement.
Maintenant chez ces gens, par exemple, on ne s’excuse plus, c’est tout de suite « remarqué », mais il faut, de rigueur, lancer une quelconque plaisanterie (aussi laborieuse et conne soit-elle) l’air de dire qu’on l’a fait exprès ou toute sorte de chose comme ça ! qui en tient lieu en fait, en dépit des apparences, et sans laquelle vous êtes un mufle. Le tout dans la « décontraction » de rigueur, et les rires forcés continuels.
Ah ! ces rires forcés, seuls polis, les rires naturels ça fait vulgaire.
De toutes manières exprimer un sentiment qui serait réel ça ne se fait pas (ça, ça n’est pas nouveau ! je pense), surtout si ce sentiment est un besoin ou une souffrance : absolument interdit ! Par exemple : dire qu’on est « crevé », alors que visiblement ça n’est pas vrai, ça fait « bien », et on glandouille, et on plaisante là-dessus des demi-heures entières ; mais le dire si on est réellement crevé – là ça vous transforme immédiatement en paria, en « faible à problèmes », etc., inconsciemment reviennent les instincts qui font dans un banc de poissons que quand l’un donne des signes de maladie les autres se jettent dessus et le chassent. Évidemment, ça n’entre pas dans le ton de rigueur, le dynamisme de rigueur, qui transforme les gens en marionnettes qu’on remonte et fait forcément que le sincère est déplacé, et que tout ce qui est contraire à ce dynamisme et cette « décontraction » obligatoire n’est pas tolérable, car cela romprait leur atmosphère si on ne l’éjectait pas. Les malades, fatigués, malchanceux ou malheureux sont donc ….. accusés d’égoïsme par ces égoïstes.
Il y a aussi la prétendue (et fausse) « libération sexuelle », qui fait que les normes contemporaines (vers 1990) là-dessus deviennent bien plus tordues que les anciennes. Ces gens qui racontent, dont les normes exigent qu’ils prononcent, un maximum de termes scatologiques (ça aussi ça fait partie du nouveau ton) et de raconter des histoires drôles exclusivement égrillardes sont en fait restés si pudiques, pour ne pas dire puritains. Il est de rigueur d’en parler, et le plus grossièrement possible, sinon vous vous faites remarquer (comme « névrosé », ou comme « réac-partisan-des-vieux-tabous » par exemple), mais il est en même temps de rigueur de ne jamais prendre tout ça autrement que comme de la plaisanterie, et de ne pas le mettre en pratique, et de pratiquer en fait le même comportement que du temps des tabous dont il est pourtant de rigueur de paraître allègrement libéré et qu’il est bien-pensant de fustiger.
Les intellectuels de gauche (et dans ce domaine par extension aussi les autres) en fait ont toujours inscrits dans leurs âmes les mêmes tabous ; mais ils ne peuvent plus s’y référer, étant admis et de bon ton de les condamner énergiquement et sans recours ; alors ils se mentent à eux-mêmes et inventent d’autres justifications (fictives donc) telles : la-tolérance-mais-moi-c’est-pas-mon-truc, ou un tacite (tacite, car il faut être politiquement correct !) sentiment de supériorité de l’intellectuel sur le vulgairement corporel et non « sublimé », ou alors comme cette femme un jour à la radio : « si quelqu’un vous met la main aux fesses vous seriez choquée ? » - « Oh pas du tout ! je ne serais pas choquée, je penserais seulement que c'est un homme qui a des « problèmes », c’est tout » … (et voilà, le tour est joué ! et en pire).