personnalités exceptionelles (14/09/2014)
Connaître l’histoire de l’Espéranto et des espérantistes c’est aussi découvrir des personnalités exceptionnelles , en voici deux (non, trois) :
Paul Berthelot :
Il était le fils naturel de quelqu’un qu’on ne connaît peut-être pas bien mais dont le nom revient souvent, surtout au fronton des collèges ! Paul Bert. C’est lui qui a organisé la première réunion internationale d’espérantistes de gauche, en 1906, en marge du deuxième Congrè Universel à Genève. Et en 1907 il fit paraître la première revue espérantiste de gauche (anarchiste il était) la Internacia Socia Revuo à Paris. Plus tard il alla au Brésil essayer de fonder une communauté coopérative utopique, qui n’a pas réussi. Il est tombé malade, la tuberculose, comme beaucoup de son temps, il a retrouveé la foi et est mort là bas dans un couvent de dominicains, passant les derniers mois de sa vie à rédiger une grammaire de l’Espéranto en latin!
Valdemar Langlet :
Il était suédois, né en 1872, et en 1995, il a fait ce qui est peut-être le premier voyage de jeune aventureux aidé par l’Espéranto ! à travers la Russie. (Et on en parle dans le roman « Sen Titolo » (tiel) d’Ivan Ŝirĵaev, lui aussi peut-être le premier roman écrit originalement en Espéranto). Il est sans doute aussi le premier cas de ce qu’on apelle en faisant un jeu de mot l’ “Edzperanto” (de edzo = époux et peranto = intermédiaire, truchement), c’est à dire qu’il a épousé, en secondes noces, une espérantiste ruse Nina Borovko (là ausi il y aurait beaucoup à dire sur elle et sur son père, et sur sa mère, Antonina Tchaikovskaya, sans doute la “mère” du terme “Esperanto” - le Dr Zamenhof avait appelé sa langue tout bonnement “internacia lingvo”)
En 1932 il est parti comme professeur de suédois à Budapest et en même temps haut fonctionnaire de l’ambassade suédoise. Ca ne vous dit rien? Sans doute! Arrive 1944, et beaucoup de vies deviennent menacées en Hongrie, en particulier celles des juifs... Ca ne vous dit toujours rien?
Alors avec l’aide et la protection de la Croix-Rouge suédoise, il s’est mis à les aider à tour de bras, distribuant asile, cachettes, aide médicale, nourriture, et, last but not least (krome kaj krone !) il obtenu des autorités suédoise l'autorisation d'imprimer 5000 petits livret, tout semblables à des passeports, disant que le titulaire était “lié aux intérêts suédois” et “sous la protection de la croix-Rouge suisse”; il en fit imprimer sans doute 25.000. Les “passeports” de Langlet risquant de finir par perdre toute valeur aux yeux des autorités hongroises, le gouvernement Suédois finit par envoyer un agent officiel, Raoul Wallenberg ( he oui! LUI, est devenu célèbre à cause de sa mystérieuse disparition et grâce au cinéma - et puis Valdemar Langlet n'était pas neveu de banquiers ! http://www.jweekly.com/article/full/3457/did-wallenberg-s... , mais l’apôtre, le héros c’était Langlet), qui émit des passeports édités cette fois au nom du gouvernement suédois. Après la guerre lui et sa femme rentrèrent au pays, sans un sou, ruinés par son action humanitaire, et la santé elle aussi ruinée. Il finirent leur vie (lui en 1960) très modestement dans un petit village, Lerbo.
Sa veuve Nina Borovko-Langlet a écrit le récit de ce qui s'est passé durant ces années sous le titre Kaoso en Budapeŝto :
http://www.glasnost.se/2001/kaoso-en-budapesto/
Je parlerai aussi de
Marjorie Boulton :. - Marjorie Boulton, qui a maintenant 90 ans malheureusement, elles est née en 1924, a fait une carrière d’universitaire britannique, à Oxford, en qualité de professeur de littérature anglaise. Elle a aussi été dès 1951 une fervente et talentueuse espérantiste. C’est je pense le meilleur poète original en Espéranto. (Oui, je la préfère même à William Auld et à Kalocsay). Elle a su mettre dans ses poèmes un sens inné de l’harmonie, une authenticité et une profondeur d’émotion remarquables.
Dans ses poème elle pratique toutes sorte de style, de l’humour jusqu’à la tragédie. Elle y a aussi livré les tourments de son cœur dus à un amour impossible - un homme déjà marié, jamais elle n’a cherché à briser son ménage, à l’époque on savait respecter les êtres et les valeurs, et pourtant Dieu sait si elle souffrait – dans des poèmes parfois d’une délicate et poignante pudeur, mais aussi d’autres nés de ses rêves nocturnes sont presque pornographiques. Voici un de ses poèmes qu’elle a consacré à l'enfant qu'elle n'a jamais eue :
Mia Filineto
Ne estas mi unu el noblaj koroj
virinaj, tre pensantaj pri infanoj;
infanoj estas zorgoj kaj laboroj,
etaj, mallertaj kaj malpuraj manoj.
Mi ne kapablas plu por hejmaj amoj,
ne ŝatas ĝenojn kaj sendankan strebon
sed nun, malofte, sur dezertaj mamoj,
la korpo kreas sian ombran bebon.
Mi ne deziras vin, infano mia,
mi nun libera, iomete riĉa,
komforte vivas -- restu vi nescia
en la mallumo, eble pli feliĉa.
Kara, vi eĉ malamus min, patrinon,
malindan min; kuŝiĝu en eterno!
Kvankam mi nun karesas halucinon,
ĉu vere estas vi mia koncerno?
Sur mia sino dum moment' siestu,
frukto de ombra amo, frukto honta;
foriru poste, filineto, restu
eterne en la mondo ne-estonta!
Etaj manplatoj, rozkoloraj plandoj --
ho, etulino! Sed okuloj brilas
jam larme -- superbolas per demandoj
pri l' vivo -- al la patro vi similas!
1952
(en poemaro Kontralte kie legeblas dekoj da tiaj ĉefverkoj - nepra en ĉiu esperantista biblioteko)
Plus tard il semble qu'elle se soit consolée de sa solitude auprès des chats
Mais, savez-vous, c’était dans les années 50... C’était à l’époque où il y avait encore une France ( et j’imagine une Angleterre), une Civilisation, où étaient impensables à tout esprit la seule idée qu’une église puisse être fermée, qu’une rue puisse être surveillée par des caméras de vidéo-surveillance, quand on n’avait pas encore inventé les autoroutes (à part Hitler), où il y avait encore des trains, des trains avec des quais, et même des fenêtres aux vagonoj, et bien sûr du brouillard, car les gens ne roulaient pas encore en voiture et n’étaient pas encore devenus cons (et insociables), quand on pouvait parler d’amour, sans que ça soit taxé de « violence sexuelle », quand on pouvait parler de fidélité sans qu’on vous rie au nez.
(et pourtant c ‘était déjà après Hiroŝimo, la plej grava terorismaĵo en la modermnaĝo)
Et elle a aussi beaucoup écrit en prose, par exemple ici elle traite du problème de la morale en littérature, et ne manque pas avec son bon sens et son humanisme de mettre les pieds dans le plat et d'envoyer aux pelotes quelques préjugés !!
http://www.donharlow.org/Esperanto/Literaturo/Revuoj/nlr/...
Et ici si vous voulez savoir l'ambiance en URSS vers 1957 quand après la mort de Staline l'Espéranto fut de nouveau "permis" (tout juste!) - je rappelle que à partir de 1937 on fusilla ou envoya au Goulag tous les espérantistes soviétiques (et ils étaient fort nombreux)
Et en prime voici l'histoire -vraie- d'un soldat italien durant la Deuxième Guerre Mondiale en Yougoslavie qui, capturé par des partisans, a eu la vie sauve parce qu'il parlait Espéranto, et qu'un espérantiste parmi les yougoslaves a plaidé pour lui disant que s'il était espérantiste il ne pouvait être tout à fait mauvais :
Jen, nu, historio pri Attilio Giovannini, itala militisto en Jugoslavio, dum la unuaj jaroj de la dua mondmilito, ŝoforisto de la 54. artileria grupo de armeo. “(…) Post ke ni atingis stacidomon de Plavno, ni estis devigataj atendi trajnon de la flanko de Zemagna (…). Mi konis tiun zonon, ĉar mi jam trairis ĝin multfoje kaj mi sciis ke la popolo estas gastema. Sed tiun tagon mi trafis partizanan grupon tiel decidemajn pafi min. Tia kritika situacio petis ĉiun pacienteman spiriton mian: tiel, kuraĝigante min, mi komenci paroli al ili kaj abrupte komencis paroli per la vortoj de Sankto Paulo al la Korintanoj kaj eĉ mi parolis esperante, aldonante ke mi estis nur soldato, malsana kaj senarmigita, kaj ke ĉu ili konus min pli profunde ili ne trovus min malamikon sed homon kiel ili, devigatan al la milito pro eventoj.
Tiam unu el ili kriis: “Tiu estas esperantisto, li ne povas esti malamiko: ni ne devu pafi lin!”. Kiel simplaj homoj li komprenis mian spiriton: nur eventoj portis min en ilia lando kiel soldato sed ene de mi estis nur volo doni kaj ricevi komprenadon kaj ili montris al mi amikecon. Ili bonvenigis min min en iliajn hejmojn, doni al mi fromaĝon kaj infano oferis al mi pomon dirante al mi esperante: “Jen por manĝi” kaj poste liberigis min”.
Tiel mi ŝuldas al esperanto vivon kaj konadon de grandaj humanaj valoroj, spontanaj en homa konscio infana kaj pura”