la morale de Don Quichotte (30/03/2018)
Tout le monde connait Don Quichotte, mais qui a lu le livre ? je veux dire, en entier ?
En Espagne presque tout le monde a le livre chez soi, mais presque personne ne l'a lu, sauf sous forme de morceaux choisis pour les enfants ! Et en France pareil ! à part l'histoire des moulins à vents qui connaît ce qu'il y a dans les 800 pages (800 pages ça fait, Don Quichotte !) du livre? hein?!
Moi j'ai eu la chance de recevoir (gratis en plus !) le texte complet traduit en Espéranto par Fernando De Diego. (et je l'ai lu ! toutes les 800 pages)
Mais je me contenterai ici de citer le passage peut-être le plus important du livre: c'est quand Don Quichotte libère toute une troupe de brigands, qu'il rencontre enchaînés et conduits aux galères. Bien sûr tout le monde le critique et se moque de lui, ce sont des criminels et non d'innocentes victimes qu'il a libéré là. Mais Don Quichotte répond alors par ces mots, d'une telle noblesse, qu'on ne peut s'empêcher de penser que secrètement l'auteur admire son héros:
"Cela ne concerne pas les chevaliers errants et ne fait pas partie de leur devoirs de déterminer si les hommes affligés, prisonniers et enchaînés qu'ils rencontrent sur leur chemin, se trouvent en tel état à cause de leurs crimes ou bien par l'adversité du sort; leur seule tâche consiste en ceci: les aider, considérant non pas leurs méfaits, mais bien leur souffrance. J'ai rencontré un véritable rosaire d'hommes mornes et misérables et me suis conduit envers eux, comme ma religion me le prescrit. Le reste n'a aucune importance. "
N'est-il pas en fait un héros moral ? à la manière d'Antigone, avec l'autonomie personnelle et le courage de mettre ses principes en pratique que met en relief Michel Terestchenko dans son livre "Un si fragile vernis d'humanité", et aussi selon les principes de Zygmunt Bauman, qui a montré que mettre la source de la morale dans la société, et l'"éducation" qu'elle dispense, est une erreur (une erreur qui qui peut être tout à fait dramatique et criminelle, voyez l'Allemagne de 1933-45...) et que la vraie source se trouve, "quoi qu'on die", dans la conscience interne individuelle. C'est ce qu'avait découvert aussi Curzio Malaparte dans ses relations avec son chien Febo.